Bush face aux siens

Le patriotisme joue actuellement en faveur du président américain. Mais l’opinion a déjà montré qu’elle est sensible aux pertes humaines.

Publié le 2 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Quatre jours après l’attaque surprise japonaise du 7 décembre 1941 sur Pearl Harbor, le président Franklin Delano Roosevelt, alors dans son troisième mandat, déclarait à la radio : « Nous allons gagner la guerre et la paix qui suivra. Dans les heures difficiles que nous traversons, et dans les jours sombres qui peut-être nous attendent, nous savons que la grande majorité des membres de la race humaine est et sera avec nous. »
Ce n’est certainement pas le cas du président actuel, George Walker Bush, qui de toute façon n’aura pas, lui, de troisième mandat, la Constitution américaine l’interdisant désormais. Même dans les pays de sa petite coalition, de l’Angleterre à l’Espagne et à l’Australie, les antiguerre défilent par centaines de milliers. Arrivera-t-il à conserver le soutien populaire dont il bénéficie actuellement aux États-Unis mêmes ?
Il dispose d’une bonne base de départ. Le patriotisme est mobilisé pour la guerre. Un sondage USA Today/CNN/Gallup réalisé les 22 et 23 mars montre que 72 % des Américains y sont favorables, contre moins de 60 % fin février (voir infographies). Il ne bénéficie pas, cependant, des 82 % d’opinions favorables qu’avait son père au début de la première guerre du Golfe en 1991.
Ce soutien, cependant, n’est pas inconditionnel, et il n’est pas garanti. D’abord, il est partisan : 91 % de républicains sont pour la guerre, mais seulement 54 % de démocrates, et 68 % d’indépendants. En outre, entre le samedi 22 mars et le dimanche 23, l’opinion a déjà montré qu’elle était sensible aux pertes humaines. Samedi, 62 % des personnes interrogées trouvaient que les opérations de guerre se passaient « très bien », elles n’étaient plus que 44 % dimanche. De même, 30 % des sondés pensaient, samedi, qu’il fallait s’attendre à de lourdes pertes, ils étaient 49 % dimanche.
USA Today a donc raison de souligner que Bush II est « sur un sentier de la guerre à haut risque ». Il devra « chauffer » son opinion. Lors de la crise des otages de 1979 – le personnel de l’ambassade des États-Unis séquestré plusieurs mois à Téhéran -, le président Jimmy Carter perdit le contact qu’il avait gardé avec le peuple américain depuis 1976. Ce fut certainement une des causes de son échec en 1980.
Autre erreur, celle du président Lyndon Johnson pendant la guerre du Vietnam (1964-1968). Il voulut en faire sa guerre plus que celle de son pays, assiégeant de coups de téléphone les responsables militaires de Saigon, allant jusqu’à choisir lui-même les objectifs des bombardements, multipliant les appels au peuple américain… Le résultat, on le sait, ne fut pas heureux.
Pour l’instant, Bush II est plutôt en retrait. Comme son père lors de la première semaine de la guerre du Golfe, il est allé passer le week-end à Camp David. Il voulait montrer qu’il était serein et confiant dans la victoire. Son message enregistré, diffusé le 22 mars, devait indiquer aussi qu’il restait lucide : « Il est évident qu’il faudra du temps pour atteindre notre objectif, mais nous allons de l’avant, nous sommes déterminés, et nous faisons de bons progrès. » Il a répété, le 26 mars, sur la base aérienne de McDill, en Floride, QG habituel du général Franks, que « le chemin que nous suivons n’est pas facile et pourrait être long », même si « chaque jour, l’Irak se rapproche de la liberté ». Il devra certainement marteler le message. Déjà, certains lui reprochent de ne pas avoir préparé les Américains au sacrifice nécessaire.
Contrairement à son père, il regarde peu la télévision. « Ce n’est pas ainsi qu’il se renseigne, explique Ari Fleischer, le porte-parole de la Maison Blanche. Il reçoit des informations de ses conseillers qui sont en prise directe avec tous les secteurs des opérations. » Comme un vrai commandant en chef.
À la différence de Johnson, Bush II évite systématiquement de personnaliser le conflit. Comme son secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et comme le général Tommy Franks, il parle du désarmement de l’Irak, et non pas d’une invasion ; des forces de la coalition, et non pas des forces américaines.
La première guerre du Golfe a duré du 17 janvier au 28 février 1991. Bush II cherchera-t-il à faire mieux ? En admettant même qu’il « sécurise » rapidement Bagdad, il n’en aura pas fini de sitôt avec l’Irak.

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