[Tribune] La protection des océans, un enjeu économique et social autant qu’environnemental
Alors qu’est célébrée ce 8 juin la Journée mondiale des océans, sur le thème « océans propres : combattre la pollution par les plastiques », Abou Bamba plaide pour une politique de gestion intégrée des océans.
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Abou Bamba
Secrétaire exécutif de la Convention d’Abidjan sur les écosystèmes marins et côtiers en Afrique de l’Ouest, du Centre et du Sud – ONU Environnement.
Publié le 8 juin 2018 Lecture : 3 minutes.
La Journée mondiale des océans, ce 8 juin, sera marquée par des initiatives mondiales qui visent à prévenir la pollution par les plastiques et à encourager des solutions concrètes pour un océan plus sain. Les chiffres de 2010 à notre disposition indiquent que sur les 32 millions de tonnes métriques de plastiques déversées dans les océans et sur les côtes, 4,4 millions de tonnes concernent l’Afrique.
Avec la dynamique démographique du continent, où plus de 60 % des populations vivent à proximité des côtes et des berges, nous avons observé une croissance exponentielle de ce phénomène depuis les années 1950, où l’utilisation des emballages plastiques a vraiment commencé dans les anciennes colonies.
Cette situation a des impacts particulièrement négatifs sur la santé des populations car les déchets plastiques forment en général des habitats de larves et autres insectes vecteurs de maladies hydriques telles que le virus Zika, la dengue, le paludisme et le chikungunya qui provoquent chaque année la mort de nombreuses personnes sur le continent. À cela s’ajoute l’inclusion du plastique dans la chaîne alimentaire des poissons que nous consommons.
Inondations
Des impacts similaires se font ressentir au niveau des infrastructures d’assainissement et de drainage qui sont régulièrement obstrués et endommagés par ces mêmes déchets plastiques lorsqu’ils sont charriés par les fortes pluies, causant de nombreux dégâts : 150 morts ont ainsi été recensés au Ghana en 2015. En Côte d’Ivoire, en mai 2018, les impacts des fortes inondations à Abidjan ont coûté la vie à plusieurs Ivoiriens et provoqué d’importants dommages aux populations et aux ouvrages d’assainissement. Ceci sans compter la perte de productivité du pays du fait des inondations et les impacts sur le PIB.
Le secteur du tourisme, qui est une importante source de revenus pour de nombreux pays africains, est également affecté par l’invasion des déchets plastiques sur les plages destinées à la baignade. L’un des exemples les plus emblématiques est la baie de Hann à Dakar ou encore la baie de Vridi dans la zone portuaire d’Abidjan.
La pollution des océans et des zones côtières par les déchets plastiques est donc très loin d’être uniquement un problème environnemental, il s’agit d’un véritable fléau qui compromet dangereusement le développement socio-économique des pays africains. La célébration de la Journée mondiale des océans autour de ce thème est surement une bonne chose, tant le problème traité a des répercussions sur plusieurs secteurs.
Abandon étatique
Mais le niveau de pollution des côtes et des océans en Afrique du fait des activités humaines est symptomatique de l’abandon même, depuis plusieurs décennies, des océans par les États africains. Là où toutes les grandes nations du monde se sont dotées d’une politique de gestion intégrée des océans (qui prend en compte tous les acteurs et les secteurs concernés par la gestion des écosystèmes marins et côtiers), la grande majorité des pays africains (à l’exception de l’Afrique du Sud avec l’opération Phakisa) peine encore à sortir de la fragmentation dans leur approche vis-à-vis de la gestion durable des océans et à créer un cadre de gouvernance des océans.
Sans être une panacée, la mise en œuvre des principes de l’économie bleue, qui préconise la gestion durable des ressources marines et côtières afin de contribuer à la prospérité économique, au bien-être social, culturel et environnemental, permettrait aux pays d’adresser les questions de production énergétique durable (éolienne), de développement touristique, d’agriculture côtière (cocotiers et palmiers), de transport maritime et industrie portuaire, de développement résidentiel, création d’emplois dans le secteur maritime… Soit de création et distribution de richesse à des communautés côtières qui étonnamment vivent dans la pauvreté.
Même si comparaison n’est pas raison, selon le Centre pour l’économie bleue de l’Université de Monterrey, au Nouveau Mexique, l’économie bleue a contribué à 83,7 % du PIB total et 81,5 % de l’ensemble des emplois générés aux États-Unis en 2014.
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