L’œil de Glez : peine de mort, abolition burkinabè sur mesure ?
Rires jaunes du côté de la défense de François Compaoré. Pour les avocats du frère de l’ex-président burkinabè, leur client ne devait pas être extradé de la France, car la peine de mort existait toujours dans le code pénal du Burkina Faso. Mais cette sanction vient d’être abolie…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 7 juin 2018 Lecture : 2 minutes.
Il y a des nouvelles symboliques qui ne sont pas que symboliques. Certes, le Burkina Faso, signataire du moratoire de non-application de la peine de mort, était qualifié d’« abolitionniste de fait ». Mais il continuait de condamner épisodiquement à la fusillade. Et que dire des capitaine Henri Zongo et commandant Jean Baptiste Lingani, compagnons de route révolutionnaire de Thomas Sankara et Blaise Compaoré, passés par les armes le 19 septembre 1989, alors que les statistiques officielles retiennent 1988 comme année de la dernière exécution connue ?
Le 31 mai dernier, le Parlement du pays des Hommes intègres a éclairci la situation en adoptant un nouveau code pénal qui prévoit l’abolition de la peine de mort. Si l’événement n’est pas que symbolique, c’est également parce que beaucoup mettent ce 31 mai en perspective du 13 juin prochain, date à laquelle la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris doit se prononcer sur la demande d’extradition d’un François Compaoré naturalisé Ivoirien récemment.
Pour les avocats du « petit président », la présence de la peine de mort dans le code pénal burkinabè était un argument pour démotiver l’extradition
Mis en cause dans l’enquête sur l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, en 1998 – meurtre consécutif à celui de David Ouedraogo, chauffeur dudit François – le frère du président déchu Blaise Compaoré a été arrêté à l’aéroport parisien de Roissy, fin octobre 2017, puis placé sous contrôle judiciaire, en raison d’un mandat d’arrêt émis le 5 mai de la même année, pour faits présumés « d’incitation à assassinats ». Or, pour les avocats du « petit président », la présence de la peine de mort dans le code pénal burkinabè était un argument pour démotiver l’extradition.
Un motif de réhabilitation ?
Si l’abolition est censément un motif d’inquiétude pour Maître Pierre-Olivier Sur, le défenseur de François Compaoré la présente quasiment comme un motif de réhabilitation. Il souligne que « les libertés publiques progressent grâce à la famille Compaoré puisqu’à l’évidence, cette mesure on la doit à François Compaoré ». Il lui faudra tout de même affûter ses autres arguments comme la vétusté des cellules burkinabè, la présumée irrégularité d’un mandat d’arrêt sans mise en examen au Faso ou – plus difficile à démontrer – la vocation politicienne de la procédure contre son client, voire celle de l’abolition de la peine de mort à quelques jours du délibéré sur l’extradition.
Réponse du berger à la bergère : les partisans de l’extradition rappellent qu’Emmanuel Macron, en visite à Ouagadougou, avait justement indiqué qu’aucun prisme politique ne serait appliqué au traitement de l’affaire François Compaoré. Que celui qui se sent politicien se mouche.
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