Une journaliste dans le monde de la folie

Publié le 31 janvier 2005 Lecture : 1 minute.

Le gouvernement sud-africain vient d’abroger la loi qui permettait à sa police de maintenir n’importe qui au secret pendant quatre-vingt-dix jours et de répéter à discrétion cette opération. L’annulation de cette loi a eu pour effet de remettre en liberté Margareth Smith, une journaliste sud-africaine de 31 ans, reporter dans un journal du dimanche de Johannesburg. Elle vient de raconter ses trente et un jours de solitude dans ce qu’elle appelle « le monde de la folie ».
« Les murs étaient très hauts, écrit-elle, et ma cellule ressemblait à une cage d’ascenseur. Dans la prison, seules les femmes blanches avaient droit à un lit. Les
hommes et les non-Blancs dormaient à même le sol.
J’étais seule.
Avec de la pâte dentifrice, j’avais fait des marques par terre. Le passage de l’ombre filtrée par une fenêtre inaccessible garnie de barreaux me renseignait vaguement.
Entre les interrogatoires, la seule occasion de contact humain était l’heure des repas : trois fois par jour ! On me passait une assiette et un verre de matière plastique. Une fois par semaine, un magistrat venait s’enquérir de mon état… À part cela, je ne voyais rien, je n’entendais que le cliquetis des clefs dans un silence de tombeau
Maintenant que j’ai été libérée, je m’interroge sur les effets que quatre-vingt-dix jours de réclusion peuvent avoir sur un esprit sain. En ce qui me concerne, je ne risquais pas grand-chose. Je n’étais pas inquiète au sujet de ma famille. Et pourtant, une sorte d’angoisse m’avait envahie. Ma mémoire s’affaiblissait. Mon pouvoir de concentration diminuait. Aujourd’hui encore plusieurs semaines après ma libération je suis victime de trous de mémoire, et je ne peux conduire ma voiture.
Une des conséquences les plus frappantes et les plus inquiétantes de la réclusion est la difficulté grandissante à faire la part du réel et de l’imaginaire. En trente et un jours, mon jugement et ma raison ont commencé à chavirer. Je n’ose penser à ce que j’aurais ressenti après quatre-vingt-dix jours. »

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