Algérie : toutes les fois où Abdelaziz Bouteflika a recadré Ahmed Ouyahia
Depuis sa prise de fonction en août 2017, le Premier ministre Ahmed Ouyahia a fait face à de nombreux recadrages de la part du président Abdelaziz Bouteflika, notamment au sujet de sa politique économique. Retour sur les points de discorde qui ont opposé les deux hommes.
« Lui c’est lui, moi c’est moi », réplique célèbre de Laurent Fabius, lorsqu’il était Premier ministre sous François Mitterrand, en France, qui pourrait bien résumer la relation entre le Premier ministre algérien et son président. Entre les deux hommes politiques, le même scénario semble se répéter : Ahmed Ouyahia commence par annoncer une mesure économique restrictive, la colère sociale monte, Abdelaziz Bouteflika le désavoue et annule ladite mesure. Retour sur ces quatre affaires.
L’augmentation des tarifs des documents administratifs
La dernière affaire en date, celle de l’augmentation des tarifs des documents administratifs, qui figurait dans le projet de loi de Finances complémentaire 2018 annoncée en mars dernier.
Le 24 mai, Ahmed Ouyahia annonce dans un communiqué les nouveaux prix des documents administratifs algériens biométriques. Pour justifier ces tarifs exorbitants dans un pays où le salaire minimum est de 18 000 dinars, soit environ 163 euros, celui-ci déclare qu’ils reflètent leur coût, car « l’établissement, relevant du ministère de l’Intérieur, qui les produit, a fourni les prix de revient de chacun de ces documents, et c’est à partir de cela que les nouveaux tarifs de délivrance ont été fixés. »
Le ministre de l’Intérieur, Noureddine Bedoui, commence d’abord par déclarer que le progrès « [a] un coût », avant de très vite se rétracter et d’annoncer que les nouveaux tarifs étaient en réalité « toujours au stade de l’étude et de l’examen ».
C’est finalement le président Abdelaziz Bouteflika qui a eu le dernier mot : mardi 5 juin, il a ainsi annoncé qu’il retirait ces augmentations de droits.
Concessions des terres agricoles aux étrangers
Toujours au sujet du projet de loi de Finances complémentaire 2018, une des mesures phares du gouvernement Ouyahia, qui vise une ouverture de l’économie algérienne et permettrait aux investisseurs non algériens de pouvoir exploiter des terres agricoles, a elle aussi été au centre d’un différend entre les deux hommes politiques.
Abdelaziz Bouteflika, qui a ainsi demandé une seconde lecture du projet, a ensuite décidé d’abandonner cette mesure, selon des sources officielles. Un rétropédalage justifié, selon Kennis Messaoud, le directeur général de l’Office des terres agricoles (Onta), qui a déclaré devant les médias que cette mesure se devait d’être annulée afin de sécuriser le foncier agricole. Il a néanmoins précisé que les investisseurs étrangers pourront continuer de participer à l’exploitation des terres agricoles algériennes, « à condition qu’ils aient des droits algériens ».
Pacte de partenariat public-privé
En décembre 2017, le Premier ministre avait pris l’initiative d’organiser un pacte de partenariat public-privé. Ce pacte, en discussion depuis des mois, avait été signé par Ahmed Ouyahia lui-même et le chef du Forum des chefs d’entreprise (FCE), Ali Haddad, et les principales centrales syndicales du pays. Une manière, selon le gouvernement, d’employer l’investissement privé au service des entreprises publiques. Ali Haddad avait à l’époque estimé qu’elle « constitue une avancée dans l’organisation du secteur économique en consacrant le principe de l’économie de marché ».
Le Front de libération national (FLN), parti de la majorité, avait alors dénoncé ce qu’il qualifiait de « tentative de privatisation des entreprises publiques sans l’aval du président de la République, Abdelaziz Bouteflika. ».
>>> A LIRE – Algérie : ce que contient le projet de privatisation à l’origine de la discorde entre Bouteflika et Ouyahia
En janvier 2018, le chef de l’État avait confirmé les propos du FLN et fait savoir à son Premier ministre que tout projet de privatisation devrait désormais d’abord recevoir son aval.
Suite à la mise en garde présidentielle adressée au Premier ministre, le FLN ne s’était pas privé de partager sa satisfaction. Dans un communiqué, il notait « avec soulagement, fierté et orgueil une décision souveraine et ferme ».
Réorganisation du secteur de l’automobile
Également en décembre 2017, dans un souci de réorganisation du secteur de l’automobile, Ahmed Ouyahia avait publié une liste de cinq constructeurs automobiles autorisés à s’installer en Algérie. Il avait ensuite été forcé en février dernier d’élargir celle-ci à une quarantaine de marques, sans qu’aucune explication n’ait été donnée concernant ce changement de stratégie.
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