Thierry Sauzier : « L’enseignement supérieur est un bon relais de croissance pour Maurice »

Après l’immobilier résidentiel, le groupe s’attaque à l’éducation en construisant son propre campus. Public visé : les étudiants africains.

Selon Thierry Sauzier, l’offre de Medine sera adaptée à l’économie tropicale et insulaire de Maurice. DR

Selon Thierry Sauzier, l’offre de Medine sera adaptée à l’économie tropicale et insulaire de Maurice. DR

Julien_Clemencot

Publié le 6 novembre 2014 Lecture : 4 minutes.

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Fondé en 1911, le groupe Medine a d’abord prospéré dans le sucre. Au cours de la dernière décennie, il a accéléré sa diversification lorsque l’Union européenne a mis fin aux accords garantissant aux Mauriciens un débouché rentable pour leur production d’or blanc. Propriétaire de 5,5 % de la superficie de l’île, l’entreprise, qui a réalisé 31 millions d’euros de chiffre d’affaires lors de l’exercice 2012-2013, s’est tournée vers l’immobilier. Son directeur général adjoint revient sur cette transformation et détaille le projet de campus universitaire qui occupe une grande partie de son temps.

Propos recueillis par Julien Clémençot

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Jeune afrique : Après l’immobilier résidentiel, Medine parie sur l’éducation et projette de construire un campus universitaire. Pourquoi ?

Thierry Sauzier : Nous voulions attirer des gens plus rapidement qu’avec nos projets de lotissements. Au même moment, le gouvernement a voulu faire de l’île un hub du savoir en Afrique. L’Australie ou la Malaisie génèrent énormément de recettes en devises avec l’enseignement supérieur. Cela nous a semblé être un bon relais de croissance pour Maurice, dont les principaux secteurs – le tourisme et le textile, sans parler de l’agriculture – sont arrivés à maturité. Si l’île attire 20 000 étudiants dépensant chacun en moyenne 15 000 dollars [11 800 euros] par an, cela représente 300 millions de dollars de recettes, soit un tiers de ce que rapporte le tourisme.

Qu’est-ce qui poussera les étudiants africains à venir faire leurs études à Maurice ?

Primo, cela leur coûtera moins cher qu’en quittant le continent. Deuzio, les Africains ont de plus en plus de mal à obtenir des visas pour l’Europe ou les États-Unis. Tertio, dans beaucoup de pays africains, tel le Kenya, les universités ne peuvent intégrer tous les bacheliers qui veulent effectuer des études supérieures. Quarto, Maurice offre un environnement très sûr.

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Maurice medine education village DRQuelle sera la dimension de votre campus et quelles écoles s’y implanteront ?

L’objectif est de compter 5 000 étudiants dans dix ans. Cela représente environ 50 000 m2 de bâtiments universitaires et 100 000 m2 de logements. Soit un investissement total d’environ 100 millions de dollars. Nous avons déjà un petit campus qui accueille 250 étudiants pour des formations en hôtellerie assurées par le groupe Vatel, et nous ouvrons en novembre une formation technologique d’une centaine d’élèves avec l’école française Supinfo.

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Pour la rentrée 2015, nous finalisons un accord avec Centrale Nantes pour une licence sciences de l’ingénieur et un cursus en droit avec l’université Panthéon-Assas Paris II. Nous discutons par ailleurs avec l’Essec pour proposer une licence en administration des affaires dans deux ans, comme elle va le faire à Singapour en 2015. Nous envisageons aussi de créer avec Paris-Descartes une école de médecine et de pharmacie, ainsi qu’un établissement pour infirmières.

Enfin, nous avons approché l’école d’architecture de Nantes, nous discutons avec Ferrandi pour la gastronomie et avec l’Isit [Institut de management et de communication interculturels] pour un cursus de traduction.

Maurice est membre du Commonwealth, mais vos projets ne concernent que des écoles françaises…

Nous avons prospecté le marché indien, mais presque toutes les écoles sont gouvernementales, et il leur est difficile de s’exporter. Nous sommes aussi en contact avec des institutions britanniques, mais rien n’est finalisé. Quand l’Essec est venu à Maurice, en 2012, nous avons rencontré Pierre Tapie, son directeur général d’alors.

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Depuis, il a quitté l’école, et nous lui avons demandé de nous accompagner. C’est lui qui a fait le lien avec les établissements français. Les enseignements se feront majoritairement en anglais, mais pour être fidèles au caractère bilingue de Maurice certains modules resteront en français.

Qu’est-ce qui fera de votre campus un projet singulier ?

Notre offre sera adaptée à une économie tropicale et insulaire, sans oublier notre identité africaine. Centrale Nantes a un programme sur les énergies marines qui nous intéresse beaucoup. Nous réfléchissons aussi avec eux à la création d’une spécialisation d’ingénierie ciblant les milieux africains. Les projets en architecture tropicale de Nantes présentent un attrait également important. Nous discutons avec Paris-Descartes pour créer un master sur le contrôle des médicaments. Refaire la Silicon Valley ou Bangalore à Maurice n’a aucun intérêt.

Où sont vos concurrents ? En Afrique du Sud ?

L’Afrique du Sud a un problème de capacité d’accueil depuis que l’apartheid a été aboli. La concurrence viendra plutôt d’Afrique du Nord, en particulier du Maroc. En février, nous allons organiser des tournées de promotion dans les capitales anglophones et francophones africaines. Nous visons aussi l’Inde, car le pays manque de place pour ses étudiants. Il existe aussi une demande locale : 10 000 Mauriciens font leurs études à l’étranger, et le gouvernement s’est fixé comme objectif de permettre à 70 % des 20-24 ans d’accéder à l’enseignement supérieur. Ils sont actuellement 47 %.

Recherchez-vous des partenaires, par exemple des bailleurs de fonds comme la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement ?

Oui, mais pas pour financer le projet, plutôt pour offrir des bourses, financer des programmes de recherche ou des chaires.

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