Tunisie : le tourisme repart à la hausse
Le tourisme, à l’arrêt depuis les attentats de 2015, connaît une forte hausse en 2018, dépassant même les chiffres de 2010. De quoi confirmer la relance amorcée en 2017, et donner confiance aux professionnels du secteur, qui espèrent un retour à l’activité de l’avant-révolution.
« C’est l’année de la vraie reprise », s’est réjouie Salma Elloumi Rekik, la ministre du Tourisme, lors de l’annonce des chiffres officiels du secteur pour l’année 2018, durant une rencontre au siège du gouvernorat de Monastir.
Avec 8 millions de touristes attendus, et une croissance de 32 % des recettes sur les cinq premiers mois de l’année, les professionnels du secteur veulent croire à une relance pérenne. En 2017, le tourisme, pourvoyeur de 500 000 emplois, a représenté près de 7 % du PIB. Une manne cruciale pour l’économie du pays.
Et le ministère n’a pas lésiné sur les campagnes de communication, jusqu’à prévoir des affichages dans les rues de Moscou, à l’occasion de la Coupe du monde 2018. Les professionnels du secteur espèrent une véritable renaissance, trois ans après le coup de frein des attentats de 2015, qui ont fait 22 morts au musée du Bardo, 38 dans un hôtel à Sousse et 12 morts chez les agents de la garde présidentielle.
Les recettes liées au tourisme sont passées de 1,131 milliard de dinars en 2016, à 2,690 milliards de dinars en 2017
De meilleurs chiffres qu’en 2010
La relance amorcée en 2017 se confirme. Déjà l’an dernier, les recettes liées au tourisme ont représenté 2,690 milliards de dinars, soit 881 millions d’euros, contre seulement 1,131 milliard de dinars en 2016, soit 370 millions d’euros.
Selon le bilan du ministère, le nombre d’entrées a dépassé les 2,3 millions, au 20 mai 2018, soit une hausse de 21,8 % par rapport à la même période en 2017 et de 5,7 % par rapport à la même période en 2010, année de référence.
Nombre d’arrivées : +45 % de Français, +42,4 % d’Allemands et +17,4 % d’ Algériens…
Le retour des marchés européens traditionnels, boosté par celui des tour-opérateurs comme le britannique Thomas Cook et l’allemand TUI, s’accompagne de la fidélisation de nouveaux marchés cibles, comme la Russie, et de la constante augmentation de la clientèle algérienne, premiers clients.
Et les chiffres du ministère sont bien au-dessus des expectatives en ce qui concerne les arrivées : +45 % de Français, +42,4 % d’Allemands et +17,4 % d’Algériens, ainsi qu’une forte croissance du marché chinois et russe, en tête avec des taux respectivement de +56,9 % et +46,4 %.
« Tous les hôtels affichent complet à Djerba, à Hammamet, à Sousse et à Mahdia » pour la saison estivale, a également annoncé la ministre. De quoi réjouir la députée de Nidaa Tounes, Zohra Driss, également propriétaire de quatre établissements de la chaîne Marhaba Hôtels, dont trois à Sousse et un à Monastir, qui affichent complet pour l’été.
Les hôtels Sangho sont réservés à 85 % pour le mois de juin
Son hôtel Imperial Marhaba – depuis rebaptisé « Kantaoui Bay » – à Sousse, avait été la cible de l’attentat de Sousse en 2015. « Un choc émotionnel et économique », qui a provoqué la mort de 38 touristes et le départ des tour-opérateurs européens, ainsi qu’un « travel ban » britannique (mesures restrictives s’appliquant à des citoyens) levé en 2017.
À présent, l’hôtelière, qui avait dû fermer son établissement d’octobre 2015 à avril 2017, est confiante. La gestion de deux de ses hôtels a été confiée à l’allemand Steigenberger. « Mes chiffres sont très bons pour 2018. Le retour des tour-opérateurs anglais après trois années d’absence était inattendu », souligne-t-elle.
Même son de cloche pour Hosni Djemalli, PDG des hôtels Sangho, dont trois en Tunisie (Sfax, Zarzis et Tataouine), réservés à 85 % pour le mois de juin.
La police est bien plus présente aux abords des sites touristiques », affirme Zohra Driss
Une stratégie de communication et de sécurité
« Les autorités européennes ont envoyé des équipes cette année pour constater que la sécurité en Tunisie était aussi importante qu’en Europe », affirme la députée Zohra Driss, qui a fait installer portiques et caméras de surveillance dans tous ses établissements. « La police est également bien plus présente aux abords des sites touristiques », assure-t-elle.
Les autorités ont tenté de faire face. « Ils ont bien réfléchi en s’adressant aux marchés d’Europe de l’Est, moins fragiles à la situation politique que les Belges, les Français ou les Italiens », analyse le patron des hôtels Sangho, qui s’est adapté à cette nouvelle clientèle en formant ses employés à la langue russe.
L’Office national du tourisme a également misé sur la communication digitale après 2015. En 2017, la Tunisie a reçu le prix de la meilleure vidéo pour le tourisme en Afrique, décernée par l’Organisation mondiale du Tourisme.
Les maisons d’hôtes encore à la peine
Si la reprise semble bien se confirmer pour le tourisme de masse, ce n’est pas le cas pour les hébergements alternatifs, comme les maisons d’hôtes qui ont connu un boom depuis 2011 pour atteindre près de 200 à 300 établissements sur l’ensemble du pays. « Le ministère aime promouvoir la diversification dans ces plans de communication, mais en réalité nous ne sommes associés à aucune stratégie », regrette Sabri Oueslati, président d’Edhiafa, l’association tunisienne des maisons d’hôtes créée en 2011, et qui rassemble une cinquantaine d’hôteliers.
Ce Belgo-Tunisien, propriétaire de Dar Sabri dans la médina de Nabeul, au Nord-Est du pays, accuse « un manquement grave des autorités » et plaide pour « un autre type de tourisme », sur le modèle marocain, plus diversifié.
Concernant la reprise, Sabri Oueslati ne crie pas non plus de joie, avec une amélioration de seulement quelques pourcents de ses réservations cette année. Sa clientèle, à 80 % étrangère en 2011, est à présent majoritairement locale, suite au frein de 2015. Le Belgo-Tunisien a dû adapter son business model : baisse des prix, plus de marketing, communication orientée vers la clientèle tunisienne.
« Les maisons d’hôtes pourraient attirer une clientèle étrangère avec un pouvoir d’achat plus important que ceux de l’hôtellerie all inclusive, si seulement les billets d’avion étaient moins chers », assure-t-il. L’hôtelier espère une implantation rapide de l’accord sur l’Open Sky entre la Tunisie et l’Union européenne.
Les parties n’ont toujours pas ratifié l’accord, alors que les négociations ont pris fin en décembre 2017. Une ouverture du ciel tunisien, notamment aux compagnies low cost, générerait « 800 000 passagers supplémentaires sur une période de cinq ans » et « 2,7 % de croissance du PIB liée aux voyages et au tourisme », estime la Commission européenne.
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