Tout nouveau tout beau

Publié le 1 février 2005 Lecture : 2 minutes.

Parmi les révélations de l’année littéraire 2004 en France, deux auteurs aussi dissemblables que possible : Bernard du Boucheron, 76 ans, lauréat du prix de l’Académie française pour Court Serpent (Gallimard) ; et Faïza Guène, 19 ans, dont la fiction autobiographique Kiffe Kiffe demain (Hachette Littératures) a emballé la critique. Le point commun entre ces deux livres : ce sont des premiers romans.
Si l’on remonte le temps, et pour s’en tenir à la France, les cas de romanciers ayant connu la gloire dès leur premier livre ne sont pas rares. Comme on a eu l’occasion de le rappeler en novembre 2004 lors du décès de Françoise Sagan, Bonjour tristesse rencontra
un succès phénoménal dès sa sortie en 1954. Un an auparavant avait été commémoré le centenaire de la naissance de Raymond Radiguet. Son Diable au corps, paru en 1923,
quelques mois avant sa mort, lui assura aussi une célébrité immédiate.
Le parfum de scandale qui entoura ces deux livres de même que le très jeune âge de leurs auteurs contribuèrent pour beaucoup à leur retentissement. Deux ingrédients qu’on ne
retrouve pas, par exemple, chez Jean Rouaud et Pascale Roze, qui obtinrent l’un et l’autre
le prix Goncourt avec leur premier livre : Les Champs d’honneur (Minuit) en 1990 et Le Chasseur zéro (Albin Michel) en 1996.
Peut-être est-ce avec l’espoir de voir se renouveler de tels exploits que les éditeurs publient chaque année une quantité croissante de « premiers romans »: pas moins de 121 pour la « rentrée » 2004, du 15 août au 30 octobre, et encore près de 65 en ce début d’année, selon le décompte du magazine Livres Hebdo.
Il y a lieu de s’interroger sur les raisons de cette inflation. Traduit-elle un regain de créativité littéraire ? Ne procède-t-elle pas plutôt d’une démarche marketing ? On est tenté de faire le parallèle avec la multiplication des « livres Kleenex », ces ouvrages autobiographiques, souvent sulfureux, que les éditeurs lancent comme des produits de
grande consommation, avec force promotion médiatique.
Quel que soit le talent de ces jeunes romanciers, les éditeurs misent sur l’effet de
nouveauté que leur seule personne représente. Tant mieux pour ceux qui en profitent, à l’instar de la Franco-Sénégalaise Fatou Diome, dont Le Ventre de l’Atlantique (Anne Carrière) s’est vendu à plus de 100000 exemplaires en 2003. Idem pour Faïza Guène, qui totalise déjà 105000 exemplaires. Mais, pour l’immense majorité de ces auteurs, dont les ventes ne dépasseront pas quelques centaines d’exemplaires, c’est la quasi-assurance de tomber dans l’oubli, même si leur talent se confirme. Les éditeurs, l’année suivante, seront à l’affût de nouveaux « produits » à lancer.

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