Randonnées solidaires

La recherche de sensations pousse les Européens vers les régions désertiques. Bien gérée, la manne représente une aubaine pour des pays comme la Mauritanie, le Mali ou encore l’Algérie, peu fréquentés par les vacanciers.

Publié le 31 janvier 2005 Lecture : 5 minutes.

Depuis quelques années, on assiste en Europe à un véritable engouement pour les circuits de découverte du désert saharien. Méharées à dos de dromadaire, randonnées à pied, raids en 4×4… L’offre et les formules se multiplient pour attirer un public de plus en plus large.
Depuis quelques années, on assiste en Europe à un véritable engouement pour les circuits de découverte du désert saharien. Méharées à dos de dromadaire, randonnées à pied, raids en 4×4… L’offre et les formules se multiplient pour attirer un public de plus en plus large.
En 1996, lorsque la compagnie Point Afrique, spécialiste de ces destinations, ouvre la première liaison aérienne Paris-Atar, en Mauritanie, elle transporte 240 personnes durant la saison touristique qui s’étend d’octobre à mars – c’est la période la moins chaude de l’année. En 1997, ils sont 1 700, puis 5 600 en 1999-2000. Le cap des 10 000 est franchi en 2001-2002. Une seconde compagnie française, Go Voyages, ouvre sa propre ligne en 2002 et transporte quelque 4 000 passagers par an.
Sur place, les conséquences de cet essor exceptionnel sautent aux yeux. « Auparavant, il n’y avait plus d’école à Chinguetti. Maintenant, tous les enfants sont scolarisés », se réjouit Maurice Freund, le directeur de Point Afrique, particulièrement attentif aux retombées du tourisme sur le développement local. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui l’ont poussé à privilégier des destinations défavorisées, sinon souvent sinistrées, sur le plan économique, comme Gao et Tombouctou au Mali, Tamanrasset et Djanet en Algérie, Agadez au Niger, Ghat en Libye… En Mauritanie, le plus important organisateur local de randonnées dans le désert, la Somasert, employait 3 guides il y a six ans. Elle en emploie aujourd’hui 40. À Atar, où atterrissent les avions, comme à Chinguetti, véritable point de départ des expéditions, hôtels, restaurants, loueurs de véhicules tout terrain et boutiques de souvenirs émergent du sable comme autant de mirages dans ces localités dont le déclin avait suivi inexorablement celui des grandes caravanes de sel. Chinguetti, septième Ville sainte de l’Islam, fut l’un des plus grands centres caravaniers de Mauritanie. C’est là que les convois chargés du sel récolté dans les mines à ciel ouvert d’Idjil, plus au Nord, faisaient halte avant de continuer leur route vers le Mali et le Sénégal. À ce que l’on raconte, Chinguetti aurait vu transiter 32 000 dromadaires sur une journée ! Mais l’importation de sel venu d’Europe a tué ce commerce florissant et, avec lui, les villes du désert. Aujourd’hui, si les dromadaires demeurent omniprésents à Chinguetti et aux environs, ils sont de plus en plus concurrencés par le ballet des 4×4 qui transportent les touristes. Peut-être qu’un jour on en verra 32 000 traverser la ville ! À vrai dire, personne ne le souhaite, tant on redoute ici les effets pervers d’un développement touristique insuffisamment maîtrisé. Mais, pour le gouvernement mauritanien, la cause est entendue : le tourisme est désormais un secteur prioritaire auquel il faut accorder toute l’attention nécessaire. Le métier de guide s’est professionnalisé. Tous diplômés de l’enseignement supérieur, ceux que recrute la Somasert bénéficient en outre d’une formation poussée avant d’exercer leur métier. Mahmoud Talebahmed, par exemple, saurait retrouver son chemin les yeux fermés au milieu des majestueuses dunes de sable et parle un français irréprochable. Sa connaissance approfondie de l’histoire ancienne et récente de son pays, et de sa géographie alimente les récits qui bercent, le soir devant le feu, les marcheurs fatigués.
La Mauritanie est devenue au fil des ans la destination la plus classique des amoureux du Sahara. L’absence de problèmes de sécurité dans ce désert souvent rebelle rassure et constitue un atout de poids face aux autres destinations prisées des randonneurs : Algérie, Niger, Libye et Mali, qui gardent pourtant leurs adeptes et leurs habitués. Mais l’enlèvement d’une quarantaine de touristes allemands dans le Sud algérien en 2003 a contraint, l’an dernier, Point Afrique à annuler tous ses vols sur cette destination, faute de candidats au voyage. Selon Virginie Albouy, responsable du développement de la société, la saison actuelle ne redémarre que très lentement.
D’une façon générale, des réflexions sont en cours pour étendre la gamme des prestations. Parties de la randonnée à pied traditionnelle, elles se sont élargies à la méharée à dos de dromadaires et, pour ceux qui, même en plein désert, ne peuvent pas se passer du bruit et de l’odeur des moteurs, au circuit en 4×4 ou en quad.
« Nous cherchons de nouveaux produits pour attirer de nouveaux clients », confie Virginie Albouy, qui pense à des voyages plus familiaux, adaptés aux enfants. « Il y a aussi des gens qui souhaitent être davantage en contact avec la population locale. Alors on réfléchit à des formules originales, suivre une caravane de dromadaires par exemple… »
Mais, au départ, c’est bien la recherche d’un nouveau type de dépaysement qui explique le succès de la « destination Sahara », pour reprendre le jargon des tour-opérateurs. Au-delà du randonneur traditionnel, passionné de marche à pied, le Sahara attire aussi tous ceux qui cherchent le calme et les grands espaces propices à la détente et, pourquoi pas, à une quête spirituelle, voire mystique, dans la lignée du père Charles de Foucauld ou de Saint-Exupéry, face à une nature grandiose et sobre, propice à la méditation. D’autres ont envie de suivre les traces du scientifique Théodore Monod. On a même vu un groupe pratiquer du qi gong et du taï chi – des arts martiaux chinois – au milieu du désert : résultat garanti pour cet audacieux métissage culturel !
Durant sa marche, le randonneur oublie tout ou presque : voitures, routes, maisons, téléphone, télévision, électricité, horaires… disparaissent, comme par enchantement, dès la première dune franchie. Le soleil rythme la journée : lever à l’aube après une nuit sous la tente, petit déjeuner sur des nattes étalées sur le sable par les chameliers, qui transportent vivres et bagages, puis quatre heures de marche jusqu’à ce que la chaleur impose un repos réparateur à l’ombre d’un acacia. À nouveau deux heures de marche l’après-midi jusqu’au campement de la nuit. La journée se conclut par le dîner autour du feu sous la voûte étoilée. Vers 21 heures, la dernière lampe de poche s’éteint dans un silence que rien ne viendra troubler, jusqu’aux premiers cris des dromadaires, annonciateurs de la nouvelle journée qui commence.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires