L’Économiste du Faso : du bio pour l’indépendance économique des femmes

En Afrique, la pauvreté a un visage féminin, a-t-on coutume de dire. Comme dans tous les secteurs socio-économiques, les femmes sont au cœur des discriminations que subissent les populations rurales, en particulier concernant l’accès à la terre.

Participation de la Saisonnière à une marche à Ouagadougou, le 2 juin 2017 pour la promotion de l’agriculture biologique et l’agroecologie. © Rosa

Participation de la Saisonnière à une marche à Ouagadougou, le 2 juin 2017 pour la promotion de l’agriculture biologique et l’agroecologie. © Rosa

Publié le 16 juin 2018 Lecture : 4 minutes.

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Au Burkina Faso, l’association La Saisonnière a trouvé une technique qui permet aux femmes de sortir de la pauvreté tout en mangeant bio.  « Quand j’ai commencé à venir à La Saisonnière en 2006, je n’avais pas de vélo, je ne savais pas comment faire le jardinage et je n’avais aucune activité rémunératrice de revenu », affirme Aminata Sinaré, animatrice et productrice à La Saisonnière. « Aujourd’hui je sais jardiner et j’ai une moto. »

Comme Aminata Sinaré, beaucoup de femmes ont vu leurs conditions de vie s’améliorer grâce à cette association. Crée sous forme de groupement en 2003, La Saisonnière a évolué en association en 2006 avec la mise en place d’un jardin pour la culture. Située depuis 2007 dans le 10ème arrondissement de Ouagadougou, la capitale burkinabé, sur un espace concédé par la mairie, elle vient en aide aux femmes défavorisées.

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A La Saisonnière, c’est le maraîchage de toutes les spécialités agricoles africaines, mais aussi la couture, le tissage et même la menuiserie. Persuadée que l’autonomisation des femmes passe nécessairement par l’alphabétisation, l’association les forme aussi aux mathématiques et aux lettres. Aujourd’hui, une trentaine de femmes au niveau du jardin et 80 au niveau des ateliers de tissage et de couture, sélectionnées sur la base d’une enquête réalisée à partir des critères de vulnérabilité, bénéficient des programmes de formation.

Atelier de tissage à la Saisonnière © Rosa

Atelier de tissage à la Saisonnière © Rosa

Grâce au jardinage, les femmes contribuent à leur besoins quotidiens

Depuis 2015, La Saisonnière se concentre également sur la culture hors-sol. Une technique culturale acquise grâce à l’ONG italienne Acra, qui a contribué à la mise en place d’une méthode de micro jardinage sur des tables d’un mètre carré fabriquées spécialement par l’association. Cette méthode permet de garder les légumes propres de bout en bout de la chaine et avec une moindre consommation d’eau grâce à la technique de micro-irrigation du goutte à goutte. En dehors du maïs et du gombo, on peut tout cultiver sur la table. L’association défend depuis sa création l’agriculture biologique; des efforts récompensés en octobre 2017, lorsqu’elle a reçu le label de certification bio SPG délivrée par le Conseil national de l’agriculture biologique (Cenabio), qui garantit la production selon la norme burkinabé en agriculture biologique.

Les produits chimiques sont remplacés par un substrat composé de balle de riz, coques d’arachide et un compost fabriqué par les femmes elles-mêmes. « Grâce au projet Accra, je suis allée à Dakar (Sénégal) pour apprendre cette technique et pour la vulgariser ici. Nous l’enseignons aux femmes, aux enfants et à nos élèves », confie Aminata Sinaré.

Elles peuvent produire ce qu’elles veulent pour subvenir à leurs besoins et commercialiser le reste

Selon elle, si les femmes qui n’ont pas accès aux terres cultivables apprennent cette technique, elles peuvent produire ce qu’elles veulent chez elles pour subvenir à leur besoins et commercialiser le reste. Par exemple, une table remplie d’épinard se vend à 1 000 francs CFA (1,5 euro). Pour l’oseille, dit-elle, « Je vends mes quatre tables à 1 500 francs CFA. »

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En dehors de cette technique, la culture sous-sol est aussi pratiquée à La Saisonnière. Selon Sophie Sedgho, présidente de l’association et professeure des sciences naturelles retraitée, chaque femme a droit à sept planches avec une surface cultivable de six mètres carrés. Une partie est destinée à l’alimentation de leur famille et l’autre à la commercialisation. « Ce qu’elles vendent c’est pour elles, mais nous leur suivons par la formation, par le changement de comportement et par la commercialisation. Chaque femme apporte 1 500 francs CFA par mois pour nous permettre de payer un gardien de nuit », précise-t-elle.

C’était pénible parce qu’il était difficile d’avoir de l’eau

Depuis 2015, le problème de l’eau pour le maraîchage ne se pose plus. « Le maire nous avait donné un forage manuel. C’était pénible parce qu’il était difficile d’avoir de l’eau. Nous l’avions ensuite remplacé par une pompe, qui est tombée en panne », assure Mme Sedgho. Elles ont alors décidé d’installer une pompe à eau solaire, en contribuant toutes à payer un crédit de quatre millions de francs CFA.

Une femme fait du jardinage devant des élèves en visite à la Saisonnière © Rosa

Une femme fait du jardinage devant des élèves en visite à la Saisonnière © Rosa

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L’insuffisance de la production

Aujourd’hui, les seules difficultés que rencontre l’association résident dans l’insuffisance de la production, notamment en temps de canicule ou lors des inondations en hiver. Hormis cela, la présidente assure que tout fonctionne bien. « Nous avons beaucoup de commandes. Nos clients c’est surtout les riverains. Nous sommes sur Facebook, les gens nous voient et traversent des kilomètres pour venir payer. Mais nous privilégions les riverains », a-t-elle indiqué.

En plus, poursuit-elle, « Nous organisons un marché bord champ, les gens se promènent et achètent directement. Nous sommes très contentes de cette méthode parce que nos clients savent ce qu’ils vont consommer ; le forage est là, les techniques agrologiques sont là. »

Grâce au jardinage, les bénéficiaires contribuent à la scolarisation de leurs enfants et aux dépenses de leurs familles. Un bilan dressé chaque année par l’association permet de savoir combien elles gagnent. « Elles sont souvent proches du salaire minimum légal », conclut Sophie Sedgho.

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