Algérie : dix choses à savoir sur l’affaire Maurice Audin

Le 11 juin 2018 marque le 61ème anniversaire de la disparition de Maurice Audin, militant du Parti communiste algérien, arrêté par l’armée française en pleine bataille d’Alger et dont le corps n’a jamais été retrouvé. L’occasion de revenir sur les principaux éléments de cette affaire d’État.

Maurice Audin, militant communiste, avait disparu après avoir été arrêté par des parachutistes du général Massu, le 11 juin 1957 à Alger. © JDD/SIPA

Maurice Audin, militant communiste, avait disparu après avoir été arrêté par des parachutistes du général Massu, le 11 juin 1957 à Alger. © JDD/SIPA

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Publié le 11 juin 2018 Lecture : 4 minutes.

« Monsieur le président de la République, n’oubliez pas Maurice Audin. » C’est le message que l’on pourra lire sur une gerbe de fleurs qui sera déposée Place Maurice Audin dans le Ve arrondissement de Paris, par la famille Audin, lors d’un rassemblement qui s’y tient lundi 11 juin, à 18h. Cette initiative a été lancée par l’association Maurice-Audin qui a décidé de profiter de la relance du débat autour des circonstances de sa mort pour demander la reconnaissance de ce qu’elle estime être « un crime d’État ». Dans la même logique, le quotidien El Watan, dans son édition du week-end, a lui aussi titré « Affaire Maurice Audin : le moment de vérité historique ». Retour sur les points les plus importants de cette affaire.

1 – Son engagement politique

Mathématicien, il était assistant à l’Université d’Alger au moment de sa disparition. Militant du Parti communiste algérien, il fait partie de la minorité anticolonialiste des Français présents en Algérie. Le Part communiste algérien, interdit le 13 septembre 1955, entrera d’ailleurs par la suite dans la clandestinité, et tissera des liens forts avec le Front de Libération National algérien (FLN).

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2 – Les circonstances de sa mort

Maurice Audin disparaît le 11 juin 1957, en pleine bataille d’Alger qui oppose les parachutistes français aux militants du FLN. Agé alors de seulement 25 ans, il vit dans la capitale algérienne avec sa femme et leurs trois enfants. Les autorités françaises le soupçonnent d’héberger des militants de la cellule armée du Parti communiste algérien, et des parachutistes sont envoyés à son domicile pour l’arrêter.

D’après le témoignage d’Henri Alleg, alors directeur de journal arrêté au même moment par les militaires français, Maurice Audin a été torturé dans un villa du quartier d’El Biar.

Ce n’est que plusieurs jours après son arrestation que Josette Audin, son épouse, est informée de l’évasion supposée de son mari lors d’un transfert. C’est cette version, que tiendra l’État français jusqu’en 2014. Son corps n’a cependant jamais été retrouvé et son acte de décès n’a été établi qu’en 1963.

On l’a tué au couteau pour faire croire que c’était les Arabes qui l’avaient tué

3- Une version officielle contestée

En 1958, une enquête de l’historien Pierre Vidal-Naquet (L’affaire Audin, éditions de Minuit) démontre qu’il n’y a jamais eu d’évasion. Maurice Audin est mort pendant sa détention, affirme l’historien.

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Le journaliste Jean-Charles Deniau, dans son enquête « La vérité sur la mort de Maurice Audin », a lui aussi conclu que le mathématicien a été tué par un sous-officier français, sur un ordre du général Massu, répercuté par Paul Aussaresses, qui était officier de renseignements. Jean-Charles Deniau en arrive même à obtenir une confession de ce dernier. Dans un document sonore Aussaresses avoue : « On a tué Audin […] On l’a tué au couteau pour faire croire que c’était les Arabes qui l’avaient tué. »

4 – 2014 : Hollande reconnaît la mort en détention

En juin 2014, François Hollande – qui avait déjà autorisé l’ouverture d’archives sur le dossier en 2012 – est le premier président français à reconnaître qu’« Audin ne s’est pas évadé » et qu’il est bien « mort durant sa détention ». Son prédécesseur, Nicolas Sarkozy,  n’avait pour sa part jamais répondu à une lettre de Josette Audin.

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5 – Trois dépôts de plainte

L’épouse de Maurice Audin porte d’abord plainte contre X pour homicide, le 4 juillet 1957. En 1962, un non-lieu est prononcé.

A deux autres reprises, la famille a saisi la justice, sans succès : les différentes lois d’amnistie empêchent l’ouverture d’une enquête judiciaire.

6 – Des députés français relancent le débat 

Le 14 février 2018, le jour de l’anniversaire de Maurice Audin, deux députés – le député communiste Sébastien Jumel et de député LREM Cédric Villani, qui est aussi le président du jury du prix des mathématiques Maurice-Audin et membre du groupe parlementaire d’amitié France-Algérie, demandent que la vérité soit faite sur les conditions de la mort de Maurice Audin.  

7 Un témoignage-clé

Ce même 14 février, lHumanité publie« Une saloperie de communiste, il faut le faire disparaître », un nouveau témoignage accablant. Un homme de 82 ans, qui a répondu de manière anonyme mais affirmé se tenir à la disposition de la famille de Maurice Audin, affirme avoir enterré le corps d’Audin, calciné à la lampe à souder pour éviter toute identification, sur ordre de Gérard Garcet. Un nom que les familiers de l’affaire Audin connaissent bien : c’est à lui que le commandant Paul Aussaresses, qui a reconnu avoir eu recours à la torture en Algérie, aurait confié Audin.

8 – L’« intime conviction » de Macron

Dans les colonnes du journal l’Humanité, le député Cédric Villani a assuré que le président Emmanuel Macron lui a fait part de son « intime conviction » qu’Audin a été assassiné par l’armée français. Toutefois, il a été plus prudent devant les journalistes de l’Association de la presse présidentielle, le 13 février dernier, et a déclaré qu’il préférait laisser aux historiens le soin d’« établir la vérité ».

9 – Lettre ouverte à Macron

Le 29 mai 2018, c’est à nouveau dans le journal l’Humanité qu’est publiée une lettre ouverte au président de la République, signée par une cinquantaine de personnalités, appelant Emmanuel Macron à reconnaître ce « crime d’État ».  

10 – Le bourreau toujours en vie

D’après le journal Le Monde, le bourreau présumé de Maurice Audin, celui qui a tué le militant communiste anticolonialiste, était toujours vivant en 2014. Il vivait alors reclus dans une ville de Bretagne. Protégé par les lois d’amnistie votée après la guerre d’Algérie, il a alors refusé de répondre aux questions des journalistes du Monde. 

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