Patrimoine en fumée

Dans l’ouest du pays, un incendie a ravagé cinq siècles de l’histoire des populations bamilékées de la localité de Bandjoun.

Publié le 31 janvier 2005 Lecture : 2 minutes.

Après avoir résisté à trois incendies, la chefferie du village Bandjoun, l’une des plus anciennes et probablement la plus riche du pays bamiléké, dans l’ouest du Cameroun, a vécu le 19 janvier la nuit la plus chaude de son histoire. On n’a pas fini d’évaluer les dégâts causés par l’incendie qui a détruit la résidence du chef de cette localité de près de 200 000 âmes, situé à 300 km de Yaoundé. Mais l’essentiel des trésors artistiques de ses cinq siècles d’histoire est parti en fumée. Le site actuel, fondé au XVIIe siècle, comprenait le palais royal, la grande case communautaire appelée le « Nnemo », un musée et de nombreuses cases réservées aux sociétés secrètes.
La grande case, haute de 23 m et emblème de ce village, a été entièrement consumée. Autrefois résidence du chef, elle fut construite il y a deux siècles. La réserve du Musée royal constituée de somptueuses collections privées du roi et des dignitaires, est celle où l’on déplore les pertes les plus précieuses. Au premier rang desquelles les masques des sociétés secrètes portés lors des grandes cérémonies rituelles, dont les fameuses cagoules réalisées en étoffe brodée de petites perles en pâte de verre de couleurs, qui servaient de monnaie d’échange aux négriers, et étaient surmontées de grandes oreilles semi-circulaires et d’une longue bavette évoquant l’éléphant, symbole de force et de pouvoir chez les Bamilékés.
Ce masque est le plus représentatif des royaumes de l’ouest du Cameroun, où l’art est intimement lié au pouvoir. Parmi le millier de pièces disparues, on note les emblèmes de la chefferie, des statuettes en bronze, les sièges d’intronisation des anciens rois, des sculptures, des poteries et, surtout, des tissus traditionnels d’apparat appelés « Ndouop », dont certaines pièces tissées à la main et longues de plus de 100 mètres, dataient du XVIIIe siècle. Des joyaux rares, fruits d’un savoir-faire aujourd’hui en péril. Le vieux Sak Fokam Tedjo, l’un des derniers dépositaires de cette caste de sculpteurs sur bois, fondeurs, tisserands et perliers a été emporté par un arrêt cardiaque le lendemain du drame.
Il ne reste plus que cendres et gravats à la place des archives du palais, et seules ont été sauvées les 122 pièces de la salle d’exposition permanente du nouveau musée construit en 2003 avec l’aide de la COE, une ONG italienne. Laquelle préparait un inventaire et un catalogue sur le patrimoine de Bandjoun. Attraction de nombreux touristes, le musée de Bandjoun offrait un aperçu exceptionnel de la féconde inventivité des populations de la région. En langue bamilékée, bandjoun, signifie « ceux qui achètent », mais dans le village on sent bien que cette perte n’a pas de prix.

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