Marwane Barghouti

Figure de proue de l’Intifada, il veut encore croire à la paix avec Israël, confie-t-il à notre confrère « L’Humanité ». Mais sans illusions excessives.

Publié le 31 janvier 2005 Lecture : 4 minutes.

« N’oubliez pas que notre droit, à nous, peuple occupé, est de résister à cette occupation. La paix est le chemin le plus court vers la sécurité et la stabilité. Mais la paix ne peut se construire sur une occupation. » Ainsi se résume la doctrine de Marwane Barghouti, chef du Fatah pour la Cisjordanie et figure de proue des deux Intifada. Arrêté par Israël le 15 avril 2002, il a été condamné le 6 juin 2004, jour de son quarante-cinquième anniversaire, à quatre fois la perpétuité, plus quarante ans de prison pour sa participation présumée à des attentats et son appartenance à une « organisation terroriste », le Tanzim, branche militaire du Fatah.
Dans une interview au quotidien communiste français L’Humanité parue le 12 janvier, trois jours après l’élection de Mahmoud Abbas à la tête de l’Autorité palestinienne, Barghouti revient sur quelques-uns des sujets phares de l’actualité israélo-palestinienne : le sens de l’Intifada ; la démocratie ; la mission d’Abbas ; la place des islamistes ; le désengagement unilatéral de Gaza ; les conditions de la paix et le rôle de la communauté internationale.

Intifada. Du soulèvement de son peuple contre l’occupant, Barghouti pense qu’il est « victorieux », en ce sens que « l’Intifada a transformé l’occupation en un corps sans âme » et prouvé que toute coexistence est impossible aussi longtemps qu’Israël ne se sera pas retiré des Territoires occupés. « Droit naturel » des Palestiniens, l’Intifada, dont Barghouti semble exclure les actions armées à l’intérieur d’Israël, est menée par des « combattants de la liberté », et non par des terroristes.

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Candidature. Extrêmement populaire parmi les siens, il avait, dans un premier temps, présenté sa candidature à la présidentielle du 9 janvier. S’il s’est ravisé, c’est pour laisser la voie libre à Abbas, mieux accepté par les Américains et les Israéliens, et « donner une chance à la paix ». Mieux valait éviter de donner l’occasion à Sharon de prétendre que « les Palestiniens avaient élu un terroriste » à leur tête.

Mahmoud Abbas. Au nouveau président, Barghouti assigne trois priorités : parvenir à un consensus national avec toutes les factions palestiniennes ; lutter contre la corruption au sein des institutions nationales ; refuser toute période intérimaire lors des futures négociations avec Israël. « Abou Mazen doit bien voir, martèle Barghouti, qu’une paix véritable ne peut émerger qu’avec la fin de l’occupation. Il ne faut donc pas aller vers un compromis intérimaire. […] Si l’occupation se poursuit, la lutte contre celle-ci est un droit national. C’est une question qui ne doit pas être discutée avec les Israéliens. »
Autrement dit, si Abbas veut conserver la confiance de son peuple et celle des mouvements radicaux, il devra se montrer aussi intransigeant… qu’Arafat (mais plus transparent dans la gestion de l’Autorité) et refuser toute concession supplémentaire. Barghouti estime que, les Palestiniens ayant reconnu Israël en 1988 et accepté, en 1993, à Oslo, de se contenter de 22 % des territoires qu’ils revendiquaient, la balle est désormais dans le camp d’Israël. Lequel refuse de mettre un terme aux « assassinats ciblés », poursuit ses incursions meurtrières dans les Territoires et ne débarrasse Gaza des colonies juives que pour mieux les implanter dans les 58 % de la Cisjordanie qu’il entend annexer. Dans ces conditions, la marge de manoeuvre d’Abbas paraît extrêmement étroite. Et sa mission quasi impossible aussi longtemps que Sharon reprendra d’une main ce qu’il donne de l’autre.

Hamas et Djihad islamique. Conséquence de la nécessité de parvenir à une plate-forme commune avec toutes les factions palestiniennes : le partage du pouvoir entre le Fatah et les islamistes. Barghouti pense que « le Hamas participera aux législatives. […] Ce qui signifie que cette organisation est prête à jouer un rôle dans le champ politique et pas seulement dans le cadre de la lutte armée ». Mieux : si Israël faisait la preuve de sa bonne volonté et cessait ses manoeuvres dilatoires, le Hamas pourrait considérer « d’un autre oeil l’idée de la coexistence entre deux États ». En d’autres termes, la neutralisation des islamistes et, plus largement, du terrorisme dépend d’abord d’Israël et non d’Abbas. Pour Barghouti, l’alternative est simple : soit Tel-Aviv coupe l’herbe sous les pieds des groupes radicaux en s’engageant résolument dans la voie de la paix, soit il fait leur nid en poursuivant sa politique belliqueuse et expansionniste.

Les conditions de la paix. Même s’il n’est, en réalité, qu’une feuille de vigne, le désengagement unilatéral d’Israël de Gaza a au moins le mérite de démontrer que « la fin de l’occupation n’est pas si difficile » et relève « d’une décision politique ». Barghouti considère toutefois « qu’il n’y a pas de vrais partenaires » en Israël. Pis : « que les autorités israéliennes ne sont pas près d’accepter de payer le prix de la paix » tandis que « les Palestiniens ont déjà payé ce prix » et prouvé, avec l’élection d’Abbas, « qu’ils sont prêts à poursuivre dans ce sens. Nous, Palestiniens, savons où sont les limites des Israéliens, et les Israéliens connaissent les nôtres. S’ils veulent vraiment la paix, on peut y arriver en quelques mois ».
Mais, cette fois, prévient Barghouti, il faudra définir clairement les deux objectifs principaux, à savoir « la fin de l’occupation et la coexistence de deux États souverains », et fixer un calendrier de manière à ne plus répéter l’erreur d’Oslo, qui fut de décider des moyens avant d’avoir fixé les fins. Une fois ces grands principes posés de part et d’autre, les négociations sur les modalités d’application en seront nettement simplifiées. Surtout si une troisième partie offre des garanties aux deux camps. D’où la nécessité d’une médiation, rôle que Barghouti dénie aux Américains, « qui se sont rangés du côté d’Israël », mais qu’il reconnaît volontiers à l’Europe, « qui a la confiance des Palestiniens et de bonnes relations avec le gouvernement israélien ».

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