Les dessous d’une réconciliation

À la surprise générale, le pays reprend les négociations qu’il avait interrompues avec le FMI depuis plusieurs années.

Publié le 31 janvier 2005 Lecture : 4 minutes.

Allan Hui, Hongkongais de 57 ans, propriétaire du Dynasty, se frotte les mains derrière le comptoir de son hôtel et s’amuse du ballet des diplomates et des officiels dans les couloirs. Son établissement affiche complet depuis que les costumes gris du Fonds monétaire international (FMI) ont posé les pieds à Malabo début janvier pour une série de discussions avec les autorités équatoguinéennes. Leur présence est une surprise, car le régime, disposant d’une importante cagnotte pétrolière estimée à près de 700 millions de dollars, n’a plus besoin de personne pour vivre et surtout pas des prêts internationaux. D’ailleurs, l’État n’ayant pas satisfait aux exigences de transparence prônées par le FMI, il n’y avait plus de négociations depuis 1994. À l’époque, l’institution de Washington avait essayé de conclure un accord, mais Malabo s’était écarté de ses obligations une fois obtenu un rééchelonnement de sa dette avec le Club de Paris.
« Nos rapports sont restés très mauvais jusqu’en mars 2004, les pouvoirs publics limitaient leur collaboration au strict minimum et refusaient de nous communiquer plusieurs données économiques. Puis ils nous ont demandé officiellement, en avril, de venir faire un inventaire de leurs pratiques en matière financière et fiscale », explique un expert du Fonds. En juillet 2004, la Guinée équatoriale lance un nouvel appel et demande au FMI une assistance technique dans le domaine de la macroéconomie. Le président Obiang Nguema aborde même personnellement la question avec le nouveau directeur général du Fonds, Rodrigo de Rato, lors du sommet sur la pauvreté et l’emploi en septembre 2004 à Ouagadougou.
Devant une telle insistance, le FMI envoie une première mission au pays, en novembre, pour recueillir des données précises. « Nous avons été très surpris de voir que, pour une fois, les autorités nous fournissaient de nombreux éléments financiers », souligne le FMI. Fort de ses premiers résultats, le Fonds décide de passer à la phase II et organise dans la deuxième semaine de janvier une nouvelle mission. Au programme, trois volets : inventaire général de la situation économique du pays, rapport sur la transparence fiscale et, enfin, préparation de l’adhésion de Malabo à l’initiative pour la transparence dans les industries extractives (EITI). Mission couronnée de succès le 21 janvier 2005, les experts de Bretton Woods ayant accès aux informations du secteur pétrolier sur lequel le pouvoir s’était montré peu disert. Et qui ouvre la voie à la mise en place d’un programme d’assistance technique en matière économique. Agustin Carstens, le numéro trois du FMI, est venu en personne à Malabo du 25 au 27 janvier pour discuter des derniers détails de cette collaboration avec le président Obiang. Pour le FMI et les autres bailleurs de fonds, la Guinée équatoriale, qui en a les moyens, doit faire preuve de sa bonne foi et financer entièrement le programme d’assistance technique.
Malabo a changé d’attitude pour des raisons… économiques. « Le pays, explique un banquier d’Afrique centrale, est inscrit sur une liste noire et éprouve la plus grande difficulté à gérer les revenus du pétrole. » À en croire Melchor Esono Edjo, le secrétaire d’État au Trésor et au Budget : il s’est même récemment vu refuser l’ouverture de comptes bancaires en France, en Suisse et aux États-Unis, alors qu’il comptait y déposer ses excédents budgétaires. Un refus qui intervient après la fermeture de la banque américaine Riggs, où le Trésor et des membres du gouvernement disposaient de nombreux avoirs. La Riggs a été mise en cause par le Sénat américain pour l’opacité de sa gestion des fonds de plusieurs pays pétroliers au Moyen-Orient et en Afrique.
Longtemps accusées de faire de beaux discours en matière de lutte contre la corruption et d’orthodoxie financière, mais de ne pas poser d’actes forts, les autorités ont procédé, le 28 janvier, à l’arrestation du directeur général du recouvrement, Virginio Mba Ngùi, pour détournement d’argent avec la complicité de la société Incat dans le cadre des contrats de construction. Le directeur de cette entreprise est également sous les verrous, alors que d’autres personnalités seraient dans le collimateur de la justice. Et le président Obiang Nguema, qui connaît mieux que quiconque les travers de ses agents, signe personnellement tous les ordres de virement d’un montant supérieur à 2 millions de F CFA.
Ce n’est pas le seul mal du pays. « Nous avons un problème. Notre économie ne se développe pas au même niveau que la formation de nos cadres, admet Melchor Esono Edjo. Notre élite a fait ses études aux quatre coins du globe, notamment en Espagne, en Chine, en Corée du Nord, à Cuba et en URSS. À l’arrivée, un capital humain très hétérogène et peu rompu à la finance moderne et à la gestion capitaliste. Il faut former une jeune génération de cadres pour prendre en main les destinées du pays. »
Le soudain changement d’attitude du chef de l’État et son engagement pour la bonne gestion tient également à ses ambitions personnelles. Il soigne son image, manifeste sa générosité, comme en décembre quand il a donné 200 000 dollars aux victimes du tsunami en Asie du Sud. Parmi les sujets soulevés par les bailleurs de fonds : celui de l’estimation de la population. Car, curieusement, la population est passée de 400 000 individus en 1993 à 1 million lors du dernier recensement de 2002. Une croissance démographique jugée trop rapide par les experts, qui estiment que le pays compte entre 500 000 et 600 000 habitants. Mais les bailleurs, qui ne souhaitent pas faire de vagues, s’en accommodent et s’en servent pour conseiller aux pouvoirs publics de se pencher davantage sur les problèmes de santé et d’éducation qui ne représentent, respectivement, que 0,9 % et 1,5 % du budget de l’État en 2005. Un vrai chantier sur lequel les hommes de Bretton Woods attendent des engagements fermes et des résultats tangibles en matière de lutte contre la pauvreté.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires