Le jour où Nouakchott sera submergé par l’océan…

Rien à voir avec le « tsunami » ! En cause, l’érosion du cordon dunaire qui isole la capitale de la mer.

Publié le 31 janvier 2005 Lecture : 4 minutes.

Le phénomène n’aura certainement pas l’ampleur d’un tsunami, mais l’engloutissement par l’Atlantique de la plus grande partie de Nouakchott, la capitale mauritanienne, est programmé. Un tel scénario était considéré jusqu’ici comme seulement probable en raison de l’élévation du niveau des mers consécutive au réchauffement de la planète, qui, selon l’Union mondiale pour la nature (UICN), affecterait en Afrique atlantique des villes comme Abidjan (Côte d’Ivoire), Banjul (Gambie), Saint-Louis (Sénégal) et Windhoek (Namibie).
Mais la combinaison de l’élévation du niveau de la mer et des interventions humaines fait que l’inondation de plusieurs quartiers de la ville paraît être en tête des catastrophes les plus susceptibles de se produire dans un avenir qui n’est pas lointain. La mise en garde a été lancée par des responsables gouvernementaux et des scientifiques réunis dans la capitale mauritanienne du 5 au 15 décembre 2004, lors d’un séminaire de « découverte du littoral mauritanien » organisé conjointement par le ministère des Pêches et de l’Économie maritime, l’UICN, le Programme régional de conservation des aires côtières et marines (PRCM) ainsi que la coopération française.
Coincée entre le désert et l’océan, la capitale mauritanienne a été construite dans les années 1960 en partie sur une sebkha, et plusieurs de ses quartiers se trouvent en dessous du niveau de la mer. Elle est protégée des vagues de l’Atlantique par un cordon dunaire long de 20 à 25 km, fragilisé depuis plusieurs années par les extractions de sable pour le bâtiment, ainsi que par l’édification de structures touristiques. Mais c’est depuis la construction du port de l’Amitié, à partir de 1980, que cette érosion s’est accélérée. Une digue édifiée pour protéger le port de l’ensablement a certes bloqué le transit sédimentaire, mais elle a à la fois provoqué l’ensablement sur le flanc Nord et aggravé l’érosion côtière sur le flanc Sud.
Selon Ahmed Ould Senhoury, professeur de géographie à l’université de Nouakchott, l’ensablement au nord du port fait que les sédiments avancent de 35 m par an vers le large, tandis que l’érosion sur son flanc Sud entraîne une avancée de la mer vers la cité et les terres de l’Aftout de l’ordre de 20 m par an. Si rien n’est fait, le contournement du port par l’Atlantique devrait intervenir entre 2010 et 2015, estime l’universitaire. Autant dire demain. D’autres études commanditées par le gouvernement indiquent qu’en cas de rupture du cordon dunaire 79 % de la superficie globale de Nouakchott sera inondable à l’horizon 2020. Et c’est toute la ville qui le sera d’ici à 2050.
Des ruptures du cordon dunaire et l’observation d’incursions marines que les habitants de la capitale qualifient de spectaculaires lors de tempêtes en 1987, 1992 et 1997 ont déjà fait craindre le pire. « Encore quelques brèches, et c’est la catastrophe », clame Roland Paskoff*, géographe, professeur émérite à l’université de Lyon et membre du conseil scientifique du Conservatoire du littoral en France.
Construit par les Chinois, le port de l’Amitié est un acquis indispensable au développement de la Mauritanie, mais l’expérience montre que des actions se limitant à le protéger par des digues ne font que déplacer les risques d’érosion. C’est donc sur l’ensemble du cordon dunaire que les autorités concentrent désormais leur réflexion. Déjà, disent-elles, les prélèvements de sable pour le bâtiment ont été « limités ». Des expériences sont aussi menées pour fixer les dunes par la végétation ou pour les reconstituer en mettant en place des « pièges à sable ».
Familier des côtes méditerranéennes et africaines, Roland Paskoff estime qu’il convient en premier lieu de reconstituer le bourrelet dunaire. Ce qui nécessite des apports artificiels de sable et une revégétalisation par les espèces natives. Secundo, il faut interdire la construction de tout bâtiment sur le bourrelet et de toute route à grande circulation à proximité ; des bretelles seraient aménagées pour l’accès au bord de mer ; le bourrelet dunaire lui-même devrait être mis en défense pour le soustraire à la fréquentation du public. Tertio, un système de by-pass devrait être mis en place de part et d’autre du port pour rétablir le transit sédimentaire interrompu par les ouvrages portuaires.
Quelles précautions devraient prendre les populations de Nouakchott, estimées à un million de personnes ? « D’une façon générale, répond Roland Paskoff, et cela est valable pour toutes les côtes du monde, il ne faudrait pas s’installer à proximité de la mer. La largeur de la bande non aedificandi [non constructible, NDLR] dépend évidemment de plusieurs facteurs, en particulier de la topographie littorale, mais un minimum de 500 m me paraît nécessaire. »

* Roland Paskoff est l’auteur, entre autres publications, d’un petit livre vulgarisateur titré Jusqu’où la mer va-t-elle monter ?, Éditions du Pommier, Paris, août 2004.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires