RDC : la ministre Chantal Safou rappelée à l’ordre par la Primature après son voyage polémique à New York

Une délégation pléthorique de 52 personnes, où l’on retrouve notamment la fille du Premier ministre et une cadre du parti présidentiel, un rappel à l’ordre de la Primature pour facture impayée… Révélations sur les conditions troubles du voyage à New York, en mars dernier, de la ministre congolaise Chantal Safou.

Vue du pont de Brooklyn, à New York, le 1er mai 2008. © G.Schmitz/CC/Wikimedia Commons

Vue du pont de Brooklyn, à New York, le 1er mai 2008. © G.Schmitz/CC/Wikimedia Commons

Publié le 14 juin 2018 Lecture : 3 minutes.

Au téléphone, le ton de la ministre se fait vite menaçant. « Je suis une enfant de Dieu, et mon Dieu est vengeur envers ceux qui me font du mal », déclare Chantal Safou, ministre du Genre, de l’Enfant et de la Famille, lorsqu’on l’interroge sur son voyage à New York du 12 au 23 mars dernier. Un voyage susceptible de créer la controverse au vu de la composition de la délégation des 51 personnes qui l’accompagnaient, et de l’absence de transparence quant à son financement.

Le voyage était organisé dans le cadre de la 62e Commission de la condition de la femme, qui rassemble chaque année des représentants des États membres des Nations unies, ainsi que des personnalités de la société civile.

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D’après une liste dont Jeune Afrique a pris connaissance, la délégation finale envoyée par la RDC comportait 52 personnes – dont la ministre Chantal Safou. Parmi ces noms figurent quelques personnalités dont les fonctions sont a priori éloignées du thème de l’événement. C’est le cas notamment de Micheline Kulumba, secrétaire générale adjointe du PPRD (le parti du président Joseph Kabila), ou encore de Joslyne Tshibala Mujinga, la fille de l’actuel Premier ministre, présentée comme « conseillère technique spéciale au cabinet du Premier ministre ».

L’ONU Femme a payé l’hôtel et l’avion pour trois personnes, et les billets pour deux autres

Autres incongruités : la présence sur cette liste des noms de la directrice de la paie au ministère du Budget, celui d’une conseillère au ministère des Postes et des Télécommunications, ainsi que celui de la sœur de la ministre Marie-Ange Mushobekwa (également du voyage), présentée en sa qualité de « conseillère au ministère des Droits humains ».

Aux dires du ministère du Genre, qui confirme la présence de « cinquante personnes », « seules douze ont été prises en charge par le Trésor public ». « Les autres femmes de la délégation ont été prises en charge par des partenaires et d’autres se sont prises en charge elles-mêmes », précise dans un courriel l’une des conseillères de Chantal Safou. « Certains pays ont eu jusqu’à 120, 150 déléguées, explique-t-elle. Au moins, la RDC a eu 50 personnes cette année. »

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Difficile pour autant de connaître l’identité exacte des partenaires en question. Relancé à plusieurs reprises, le ministère n’a pas souhaité apporter de précisions. Il apparaît seulement que les Nations unies, à travers l’ONU Femmes, a participé au financement de la délégation congolaise. « On a payé l’hôtel et l’avion pour trois personnes, et les billets pour deux autres », confirme à JA le bureau d’ONU Femmes à Kinshasa.

« Sauvegarder la crédibilité du gouvernement »

La question du financement de ce voyage aux États-Unis de Chantal Safou a provoqué un vif rappel à l’ordre de la part du Premier ministre. Dans une lettre datée du 15 mai, Bruno Tshibala enjoint sa ministre à « prendre toutes les dispositions nécessaires » afin de régler au plus vite sa note auprès de l’agence de voyage Sardoine Travel dans le cadre de son séjour à New York. Et ce, afin de « sauvegarder la crédibilité du gouvernement ».

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Contactée par Jeune Afrique, la Primature congolaise a cependant opposé un démenti formel à l’existence de cette lettre, en assurant que « ce document ne vient pas de chez nous ». « Nous sommes dans une conjoncture politique sensible, et nous avons beaucoup d’ennemis », estime Patrick Mutombo, conseiller politique de Bruno Tshibala.

« Ils ne voulaient pas payer »

Un démenti mis à mal – indirectement – par le ministère du Genre lui-même, qui a transmis à Jeune Afrique une lettre de remerciement de l’agence Sardoine Travel à la Primature pour son intervention dans le dossier. « Nous avions fait crédit au ministère pour l’équivalent de 22 600 dollars – soit l’achat de cinq billets d’avion, dont deux en classe business, et la réservation de nuitées d’hôtel, explique à Jeune Afrique une source sous couvert d’anonymat. Mais ils ne voulaient pas payer ou faisaient traîner en longueur. D’où notre requête auprès du Premier ministre pour accélérer le paiement de la facture. »

La petite agence de voyage devra finalement attendre le 25 mai pour recevoir la totalité de la somme en espèces, soit dix jours après la missive du Premier ministre. « Le paiement a pris du temps car, au retour, selon les procédures en cours auprès de nos partenaires, il faut attendre que toutes les pièces justificatives soient rassemblées et remises au partenaire, qui enfin procède au paiement », explique le ministère. Mais là encore, il a été impossible d’obtenir le nom du partenaire en question.

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