Tunisie : Lotfi Brahem se défend de toute tentative de « coup d’État »
Le ministre de l’Intérieur récemment limogé a annoncé le 14 juin qu’il portait plainte contre un journaliste l’ayant accusé de tentative de coup d’État, avec l’aide des Émiratis.
Lotfi Brahem est finalement sorti de son silence, plusieurs jours après avoir été limogé, le 6 juin, suite au naufrage d’une embarcation de migrants à Kerkennah. Accusé par le site Mondafrique de tentative de putsch, avec l’aide des Émiratis, l’ex-ministre de l’Intérieur a indiqué jeudi 14 juin, sur les ondes de la radio Mosaïque FM, avoir déposé plainte contre le journaliste à l’origine de l’article, Nicolas Beau, et contre la chaîne Al Jazeera.
Si les autorités assurent ne pas croire ces accusations, les rumeurs prennent de l’ampleur, dans un contexte de crise politique, notamment renforcée depuis la suspension des discussions de l’accord de Carthage.
« Je n’ai rien à voir avec ces rumeurs »
« Je n’ai rencontré aucun responsable Émirati », a asséné Lotfi Brahem tout au long de l’interview, accusant le journaliste d’avoir propagé des rumeurs. D’après cet article, Lotfi Brahem se serait allié avec les Émiratis afin d’éliminer les islamistes d’Ennahdha de la vie politique tunisienne.
Le patron du site d’information indique que le ministre n’aurait pas été révoqué en raison du drame de Kerkennah, mais plutôt à cause « de la rencontre nocturne qui eut lieu récemment sur l’île de Djerba entre le ministre et le chef des services secrets émiratis, un peu avant le sommet sur la Libye organisée par Emmanuel Macron le 29 mai ».
Ce à quoi Lotfi Brahem réplique : « Le 29 mai, j’étais à la caserne de Bouchoucha [à Tunis, ndlr] avec les membres de la commission de la défense. La rupture du jeûne a eu lieu sur place ».
Le chef du gouvernement Youssef Chahed, à l’origine de la révocation de Lotfi Brahem, a lui-même nié l’existence d’un projet de coup d’État, lors d’une réunion avec les membres de Nidaa Tounes, mercredi 13 juin. Le ministre de l’Intérieur par intérim, Ghazi Jeribi, a quant à lui indiqué que les autorités tunisiennes sont « en train d’analyser les informations relayées par certains médias étrangers faisant état de l’échec d’une tentative de coup d’État, afin de vérifier leurs sources et leur fiabilité. »
Des rumeurs dans un contexte déjà confus
Lotfi Brahem a été le premier à être limogé du gouvernement, alors que beaucoup appellent depuis des mois à un remaniement ministériel, dont le départ de Youssef Chahed. Hafedh Caïd Essebsi, à la tête de Nidaa Tounes, et l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) plaident notamment en ce sens. Dans un contexte déjà confus, les rumeurs de « coup d’État » à l’encontre de Brahem n’ont fait qu’ajouter un peu plus à la confusion.
Les réactions et les hypothèses de la classe politique à cette révocation sont nombreuses. Pour Mongi Rahoui, député au sein du Mouvement des patriotes démocrates (MDP), ce limogeage serait dû à une transaction entre Youssef Chahed et Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha. Borhen Bsaies, chargé des affaires politiques de Nidaa Tounes, a appelé Lotfi Brahem à rejoindre son parti et qualifié les rumeurs de coup d’État « d’une campagne orchestrée par les nahdhaouis afin de dissimuler la véritable crise économique du pays ».
Les dissensions entre Lotfi Brahem et Youssef Chahed seraient avant tout liées à la difficulté des agents du ministère de l’Intérieur à exécuter le mandat d’amener émis à l’encontre de Najem Gharsalli. Cet ancien ministre de l’Intérieur, toujours introuvable, est poursuivi pour atteinte à le sûreté de l’État. Une affaire issue de la lutte contre la corruption, initiée en 2017 par Youssef Chahed.
Même limogé, Lotfi Brahem continue d’affirmer qu’il n’existe aucun désaccord entre lui et le chef du gouvernement. Sur la question de la lutte contre la corruption, il a déclaré avoir refusé de signer des ordres d’assignation à résidence à des personnes accusées de corruption, car certaines de ces décisions auraient été imposées à des personnes ni accusées ni visées par la justice.
Des propos qui posent la question du cadre juridique de cette guerre contre la corruption des autorités.
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