Progrès sur ordonnance

Modernisation des équipements, recours aux nouvelles technologies pour améliorer la communication, l’hôpital est en pleine révolution.

Publié le 30 octobre 2006 Lecture : 5 minutes.

Les hôpitaux sont des mouroirs, les remboursements se font à la tête du client, les médicaments coûtent trop cher, les médecins sont inaccessibles, les infirmiers arrogants, les prises en charge à l’étranger sont réservées aux riches, et une hospitalisation pour une opération chirurgicale est réservée aux gens pistonnés Que n’a-t-on pas entendu contre le système de santé algérien ! Sans doute y a-t-il une part de vérité dans ces récriminations. Mais le système s’est nettement amélioré au cours des dix dernières années. La réforme, engagée depuis trois ans par le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, porte progressivement ses fruits. Dans le cadre du plan quinquennal 2005-2009, l’État a alloué au secteur de la santé un budget de 135 milliards de DA (1,4 milliard d’euros).
Les responsables d’établissements hospitaliers ainsi que les praticiens de la santé se plaignent de l’absence de bases de données, de lenteurs dans le traitement de l’information, ainsi que du manque de coordination entre les différents départements. Pour remédier à cette carence, le ministère de tutelle, en collaboration avec le département de la Poste et des Technologies ainsi que celui de la Communication, a donc lancé en septembre 2006 un réseau à fibres optiques baptisé « Intranet santé Algérie ». Cette plate-forme informatique, qui relie quelque 900 sites publics et privés du secteur de la santé, permettra d’interconnecter, via un serveur central, les différents services d’un établissement hospitalier. Youcef Benkaci, conseiller chargé des techniques de l’information et de la communication au ministère de la Santé, explique les objectifs de réseau : « Il permettra d’assurer une meilleure couverture sanitaire, d’améliorer la qualité de l’information pour la mettre en temps voulu à la disposition des différents services, et de favoriser la décentralisation du secteur et de développer son système informatique. »
L’autre chantier ouvert par le département de la santé est celui de la modernisation des équipements médicaux ainsi que celui de leur maintenance. Le gouvernement a alloué une enveloppe de 7 milliards de DA (75,3 millions d’euros) pour mener à terme ce programme. « Nos hôpitaux souffrent d’un manque d’équipements modernes. Lorsqu’un appareil tombe en panne, il faut compter plusieurs mois avant qu’il ne soit remis en service, quand il n’est pas carrément mis au rebut. Ce programme est donc le bienvenu », confie Mourad, médecin ayant quitté le secteur public pour ouvrir son cabinet d’ophtalmologie. Des cycles de formation, de perfectionnement et de recyclage en maintenance, assurés par des professionnels algériens ainsi que des spécialistes étrangers (Belges, Français et Espagnols) seront dispensés à quelque 57 000 agents. Les pièces de rechange fournies devront être disponibles en permanence. « Pendant longtemps, la maintenance des équipements médicaux a été confiée à d’autres services hospitaliers, notamment ceux en charge de l’entretien des locaux et du parc immobilier », affirme en substance Amar Tou, le ministre de la Santé. Ce ne sera désormais plus le cas.
Dans le cadre de la réforme, le gouvernement entend également s’attaquer à une pratique qu’il juge « immorale ». Pour améliorer l’ordinaire, certains médecins, chirurgiens et autre personnel médical du secteur public n’hésitent pas à assurer des services dans des établissements privés. Jugeant indignes ces activités complémentaires, les autorités veulent y mettre un terme. Pour les spécialistes du secteur, leur suppression aurait des conséquences catastrophiques. Empêchés de ne plus pouvoir arrondir leurs fins de mois dans les cliniques et les hôpitaux privés, certains seraient tentés de quitter le public pour exercer leurs compétences dans le privé. S’il n’est pas question de leur interdire ces activités annexes, le département d’Amar Tou entend les réglementer en proposant une nouvelle législation.
En l’espace de vingt ans, le pays a radicalement changé. Et son profil sanitaire aussi. D’une économie socialiste dirigée et centralisée, le pays a opté pour un système libéral. Certes, le pouvoir d’achat des Algériens s’est sensiblement amélioré au cours des deux dernières décennies, mais le coût de la vie a été multiplié par dix. En outre, le terrorisme qui a ravagé le pays au cours des années 1990 a laissé de graves séquelles dans la société. « Les maladies chroniques ont progressé de façon alarmante ces dernières années », avouait en février dernier le professeur Mansour Brouri, chef de service à l’hôpital de Birtraria, sur les hauteurs d’Alger. L’Algérie compte 6 millions à 7 millions d’hypertendus, 2 millions de diabétiques et 5 millions de tabagiques. Pour améliorer le système de remboursement de la Sécurité sociale, le gouvernement compte mettre en uvre une nouvelle tarification des actes médicaux. L’ancienne organisation, en vigueur depuis 1985, se révèle obsolète. Si la médecine gratuite, introduite en 1974, est progressivement délaissée, il subsiste encore des pratiques datant d’une époque révolue. Ainsi, officiellement, une consultation est facturée 100 DA (1,20 euro). Mais depuis vingt ans, les prix des consultations chez un médecin généraliste, un chirurgien-dentiste ou un radiologue ont triplé, voire quadruplé. Paradoxalement, la Sécurité sociale continue toujours de rembourser les feuilles de maladie sur la base de l’ancienne grille. Conséquence : le citoyen paie trois fois plus que ce qu’on lui rembourse. Aussi, pour mettre fin à cette incohérence, une nouvelle tarification devra voir le jour l’an prochain. Une commission de spécialistes planche actuellement sur le dossier afin de soumettre ses propositions au plus tard au premier semestre de 2007.
En février 2005, l’ancien ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, brossait un tableau sombre du système de santé algérien. Sur les 5 milliards de dollars alloués à ce secteur entre 1999 et 2005 (soit 8 % du PIB), 65 % sont destinés aux ressources humaines, 20 % au financement des médicaments et 15 % à celui des équipements. « En dépit des moyens alloués, le rendement reste faible, et la qualité des services est encore défaillante », affirmait-il en soulignant les mauvaises conditions d’accueil et de séjour de malades, la pénurie de médicaments et les longues attentes au niveau des plateaux techniques. Depuis ce sévère constat, la situation s’est-elle améliorée ? Les Algériens sont-ils aujourd’hui mieux accueillis et mieux pris en charge dans les hôpitaux ?
Depuis le 30 juin dernier, les malades ne sont plus contraints de fournir repas et couvertures lors de leur hospitalisation. Pour pallier la médiocrité des plateaux-repas servis dans les établissements, les familles algériennes ont pour habitude de fournir à leurs proches hospitalisés des repas préparés à la maison. Si cette prise en charge extérieure est communément admise, elle ne constitue pas moins un danger pour cause de risques de transmission et de prolifération des bactéries, responsables de maladies nosocomiales. Deuxième innovation introduite dans le but d’améliorer la qualité de services : la suppression, à compter de l’année 2009, des transferts de malades pour des soins à l’étranger. Selon des estimations des autorités, la facture pour un seul transfert coûte au Trésor public entre 1 million et 3 millions de DA (entre 11 000 à 33 500 euros). La prise en charge du patient en Algérie reviendra à 400 000 DA (environ 4 400 euros). Désormais, le gouvernement veut privilégier les transferts de technologie. Grâce à des conventions signées avec des hôpitaux étrangers, les malades seront soignés par des équipes médicales étrangères sur le sol algérien.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires