Lalibela, la nouvelle Jérusalem

Publié le 30 octobre 2006 Lecture : 3 minutes.

Lalibela, à 400 kilomètres au nord d’Addis-Abeba, est un site étonnant. C’est là, en pleine montagne, à 2 480 mètres d’altitude, que le roi du même nom, contemporain de Saladin, s’est mis en tête de bâtir une nouvelle Jérusalem et a fait creuser dans la roche une douzaine d’églises, dont certaines se veulent des répliques des lieux de culte de la Ville trois fois sainte. Les artisans de Lalibela se sont inspirés d’une technique ancienne, utilisée pour la construction des églises troglodytes archaïques du Tigré, mais ont porté cet art à un degré de perfection inégalé. La légende dit que les travaux ont pris vingt-trois ans. Les archéologues, eux, penchent plutôt pour un siècle. Qu’importe ! Le résultat est d’une grande beauté. Les édifices monolithiques sont divisés en groupes, séparés par un canal percé dans la roche : le Yordanos (Jourdain). Beita Medani Alem, « la maison du Sauveur du monde », présente les dimensions les plus impressionnantes : 33,5 mètres de long, 23,5 de large, et 11,5 de haut. Beita Maryam, « la maison de Marie », plus modeste, était la préférée du roi. On raconte que le Christ y aurait fait une apparition, alors que le souverain était en prière. Beita Ghiorghis, sculptée en forme de croix grecque dans du grès rose et dédiée à saint Georges, le chevalier qui a terrassé le dragon.

À l’intérieur des édifices, des prêtres orthodoxes, presque en guenilles, qui font irrésistiblement penser aux anachorètes des premiers siècles de l’ère chrétienne, assistent, impassibles, aux empiètements des touristes sur leurs domaines sacrés. Comme dans les mosquées, fidèles et visiteurs sont priés de se déchausser. Les femmes, pour être admises dans certains de ces lieux, doivent revêtir un foulard. De la splendeur de la nouvelle Jérusalem, abandonnée au XIVe siècle, il ne reste rien ou presque, hormis ces églises. C’est aujourd’hui un village pauvre, hommes et troupeaux de zébus, chèvres, brebis, ânes et chevaux se mélangent le samedi, jour du grand marché. La campagne alentour est verdoyante. Difficile d’imaginer qu’ici a sévi la grande famine, en 1984-1985.
Rien, de prime abord, ne distingue les prêtres du reste de la population. Au début, on les confond avec des pasteurs, car ils peuvent marcher avec leurs bêtes. Comme les moniales au visage parcheminé, ils portent un « chèche » ou une tunique blanche, en signe de pureté. Les fidèles s’arrêtent quand ils les croisent, et leur embrassent respectueusement la main et la crosse en métal ciselé de leur bâton. Le bâton leur sert à marcher, mais c’est aussi un instrument bien utile lors des messes, qui durent entre trois et cinq heures : calé au creux de leur aisselle, ils s’en servent comme d’un reposoir. Les messes sont chantées en langue liturgique, le guèze, ancêtre de l’amharique.
La ferveur des Éthiopiens est impressionnante. L’Église orthodoxe d’Éthiopie s’est séparée de Rome au Ve siècle, après la controverse du concile de Chalcédoine (451) sur la nature du Christ. Elle est restée fidèle à la doctrine monophysite, qui affirme l’unité dans un même corps des natures divine et humaine du Christ, contrairement aux catholiques, qui souscrivent à la thèse des deux natures. Jusqu’en 1959, les Éthiopiens sont restés formellement dans le giron de l’Église copte d’Égypte du patriarcat d’Alexandrie et se sont depuis constitués en Église totalement indépendante. C’est le roi Ezanna, qui a régné au début du IVe siècle, sur Axoum et ses environs, qui a converti son royaume au christianisme (327). Comme l’Arménie, l’Éthiopie est une des plus anciennes nations chrétiennes du monde, même si aujourd’hui, en raison de l’extension de son territoire à l’Est et au Sud, environ 45 % de sa population est musulmane. Mais les deux confessions vivent en harmonie.

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