Ambroise Tshiyoyo : « Pourquoi il faut continuer à faire des affaires en RDC »
Co-organisateur de la Semaine française de Kinshasa (SFK 2018), Ambroise Tshiyoyo, président de la Chambre de commerce et de l’industrie franco-congolaise, encourage les investisseurs français à venir en RDC, malgré un contexte politique tendu dans le pays. Entretien.
Comment concilier climat politique tendu et business ? À la tête de la Chambre de commerce et de l’industrie franco-congolaise (CCIFC), Ambroise Tshiyoyo n’y voit aucune incompatibilité. Durant la cinquième édition de la Semaine française de Kinshasa (SFK), organisée du 13 au 16 juin, il a même encouragé les opérateurs économiques français et congolais à continuer à faire des affaires en RDC.
Son credo est simple : « Il ne faut pas attendre, c’est maintenant qu’il faut investir en RDC. » C’est pourquoi la SFK 2018 qu’il a co-organisée avec notamment l’ambassade de France, a choisi, à travers le thème de la « sécurisation des affaires », de mettre les opérateurs économiques en face des décideurs politiques. Ambroise Tshiyoyo en est convaincu : « La période préélectorale en RDC ne met pas fin à l’activité économique ; il y a toujours moyen de faire des affaires, de gagner de l’argent. »
Jeune Afrique : Comment comptez-vous vous y prendre pour convaincre les opérateurs économiques français et congolais de continuer à investir en RDC ?
Ambroise Tshiyoyo : Les meilleurs ambassadeurs, ce sont des opérateurs économiques eux-mêmes. Tenez, tous les grands groupes présents en RDC – Orange et Total entre autres – continuent à investir dans le pays, malgré ce contexte politique difficile, et ils trouvent leurs comptes. Notre objectif, à travers la Semaine française de Kinshasa, c’est ainsi de convaincre les autres opérateurs français des possibilités de business en RDC.
La meilleure façon d’expérimenter une économie, c’est de se rendre sur place
Il y a en effet de la place au Congo et le retour d’investissements est rapide, voire beaucoup plus rentable que dans d’autres pays. Dans le secteur bancaire par exemple, le président de la Fédération des entreprises du Congo (FEC) l’a rappelé, le taux de remboursement en RDC est beaucoup plus important qu’en Asie ou en Amérique latine. Voilà pourquoi il faut continuer à faire des affaires en RDC. D’autant que la meilleure façon d’expérimenter une économie, c’est de se rendre sur place.
Outre le contexte politique, le climat des affaires ne constitue-t-il pas un frein au déploiement des investisseurs étrangers en RDC ?
La dégradation du climat des affaires en RDC constitue un problème réel. Nous ne devons pas nous voiler la face. Aujourd’hui il n’existe pas non plus des réformes structurelles de l’administration publique.
Ceci dit, le secteur privé a tissé des passerelles pour apporter des solutions palliatives : nous arrivons ainsi à résoudre des problèmes au quotidien et les affaires continuent de se faire. En conséquence, les entreprises installées en RDC continuent à gagner de l’argent. Si elles en perdaient, il n’y aurait plus aucun investissement aujourd’hui dans le pays.
Autrement dit, la RDC demeure une destination pour les affaires…
La RDC est une grande opportunité pour les affaires : la plus grande tranche de sa population est jeune et active. Mais le pays reste avant tout un coffre-fort de matières premières. Que faites-vous de vos capitaux si vous ne pouvez pas les transformer en richesses réelles à travers l’appropriation des matières premières qui sont en RDC ?
Quelles sont les perspectives d’affaires en RDC ?
Le secteur extractif connaît certes une nouvelle embellie, mais la RDC se doit de ne pas rester indéfiniment dépendante de ce secteur. Cette option a d’ailleurs montré récemment ses limites lorsqu’il y a eu la baisse des cours des matières premières. L’économie du pays en avait pris un coup.
La diversification de l’économie congolaise passe par le secteur agro-industriel
C’est pourquoi nous plaidons en faveur de la diversification de l’économie. Celle-ci passe par le secteur agro-industriel, seul capable de conduire le pays vers une croissance durable et d’intégrer beaucoup plus de jeunes dans la chaîne des valeurs. Mais de gros investisseurs français dans ce domaine, dotés d’une expertise séculaire et d’importants capitaux, n’osent pas encore venir en RDC. On parle pourtant là d’un pays riche en terres arables pour nourrir au moins 2 milliards de personnes dans le monde…
Le projet pilote agro-industriel de Bukanga Lonzo n’a pourtant pas donné des résultats escomptés…
La Chambre de commerce et de l’industrie franco-congolaise, à travers la FEC dont elle est l’émanation, avait émis des réserves sur ce projet. Au regard non seulement des montants qui y étaient alloués [officiellement l’État congolais a investi quelque 67 millions d’euros sur fonds propres, près de 260 millions selon une source au sein de la FEC, ndlr] et le manque d’études de faisabilité. À l’arrivée, cette expérience du gouvernement a été un échec. Un gaspillage !
Nous pensons toujours que l’État doit continuer à créer le cadre réglementaire et laisser le secteur privé créer des richesses, des emplois. Si le projet comme « Bukanga Lonzo » était laissé aux entrepreneurs privés, il aurait eu plus de chance de réussir, en termes de gestion et de rentabilité.
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