La France prise pour cible

Publié le 30 octobre 2006 Lecture : 3 minutes.

Apparemment, ce n’est qu’une piqûre de moustique. La dernière offensive rebelle dans l’est du Tchad ne menace pas, au moins pour le moment, le régime d’Idriss Déby Itno. Le 23 octobre, une colonne de quarante véhicules venue du Soudan s’est emparée sans coup férir de la ville d’Am Timan, à environ 600 km de N’Djamena. L’opération est l’uvre d’un nouveau mouvement, l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD), à la tête duquel on retrouve deux vieilles connaissances : Mahamat Nouri, un Gorane du Borkou, bras droit du président Hissein Habré puis ministre de la Défense du président Déby Itno, et Acheikh Ibn Oumar, un Arabe du Batha qui fut ministre des Affaires étrangères sous Habré. Après la prise d’Am Timan, tous les Tchadiens se sont demandé si l’UFDD allait lancer un raid sur N’Djamena, comme le fit, au mois d’avril, le Front uni pour le changement (FUC) de Mahamat Nour.
Si le verrou de Mongo sautait, tout devenait possible. Le 24 octobre, l’armée tchadienne a donc dépêché des blindés dans cette localité. Dès le lendemain, les rebelles ont décroché d’Am Timan et se sont réfugiés au Sud, dans les marécages et les hautes herbes qui bordent la frontière centrafricaine. Aucun combat à signaler – au moins jusqu’au 27 octobre. « C’était juste une danse du ventre des assaillants et un tango de l’armée », commente narquoisement un chef rebelle zaghawa. « Déby Itno voulait que nous fassions la même erreur qu’au mois d’avril, en fonçant vers l’Ouest. Cette fois, c’est lui qui va devoir venir nous chercher », commente pour sa part Acheikh Ibn Oumar, le numéro deux des rebelles.
Alors, un coup pour rien ? Pas si sûr. Le 23 octobre, les rebelles ont franchi une ligne rouge en tirant un missile sol-air contre un avion français Bréguet Atlantique qui effectuait un vol de reconnaissance pour le compte de l’armée tchadienne. L’appareil n’a pas été touché, mais la vraie cible était ailleurs. Elle a sans doute été atteinte. Car ce missile – qu’il s’agisse d’un Red-Eye dérobé à l’armée tchadienne ou d’un Sam 7 offert par le Soudan – a brusquement projeté la France sur le devant de la scène. Jusqu’où les militaires français peuvent-ils s’engager aux côtés du régime tchadien ? Jacques Chirac peut-il prendre le risque de perdre un avion au combat à quelques mois de la présidentielle ? Après avoir été « allumés » par un missile, les Français réfléchiront sans doute à deux fois avant de tirer un coup de semonce, comme ils l’avaient fait, en avril, contre la colonne du FUC. « Tactiquement, explique Acheikh Ibn Oumar, ce tir de missile ne nous arrange pas, car maintenant Déby Itno est prévenu. Il a retiré ses deux hélicoptères et nous avons perdu l’effet de surprise. Mais psychologiquement, ça nous sert. »
Bien sûr, Ahmat Allami, le chef de la diplomatie tchadienne, a de bonnes raisons d’accuser le Soudan d’être derrière l’opération de l’UFDD. Tout comme le gouvernement soudanais peut à bon droit dénoncer le soutien du régime tchadien aux rebelles du Darfour. Pour l’armée soudanaise, le raid sur Am Timan est une revanche, après la défaite que lui ont infligée les rebelles du Front pour la rédemption nationale (FRN), le 7 octobre à Kari Yari.
Quoi qu’il en soit, trois mois après la grande réconciliation orchestrée par le colonel Kadhafi, le torchon brûle à nouveau entre N’Djamena et Khartoum. Mais, au-delà même de ce conflit, l’offensive rebelle – la troisième en moins d’un an – pose le problème des Tchadiens de la frontière. Avec le soutien de Chirac, Déby Itno les ignore ostensiblement et refuse tout dialogue avec eux. Pourtant, au fil des ans, les « politico-militaires » deviennent incontournables sur la scène tchadienne.

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