Des douceurs pour le président

Le pâtissier français Roland Mesnier a servi les cinq derniers chefs d’État américains. Un livre savoureux, truffé d’anecdotes croustillantes.

Publié le 31 octobre 2006 Lecture : 4 minutes.

C’est une success story à l’américaine. L’ascension d’un petit pâtissier franc-comtois que rien ne prédestinait à accompagner les grands de ce monde. Né dans une modeste famille de neuf enfants, d’une mère garde-barrière et d’un père cheminot, il gravira une à une les marches de son art pour travailler dans les plus grands établissements : le Savoy de Londres, le George V à Paris, le Princess aux Bermudes En 1979, il devient chef pâtissier de la Maison-Blanche. Pendant vingt-cinq ans, il servira cinq présidents des États-Unis : Carter, Reagan, Bush père, Clinton et George W. Bush. Cinq premières dames également, maîtresses de maison aux caractères différents.
Outre ce parcours hors normes, l’intérêt de l’ouvrage, rédigé avec la collaboration de Christian Malard, journaliste à France Télévisions et spécialiste des États-Unis, réside également dans les nombreuses anecdotes relatées par ce témoin pas comme les autres. Depuis les cuisines d’un des centres mondiaux du pouvoir, Roland Mesnier raconte, entre autres, Carter se battant jusqu’à la dernière minute pour le retour des cinquante-deux otages américains de Téhéran, l’attentat contre Reagan, l’affaire Monica Lewinsky ou le terrible choc du 11 Septembre. Petit florilège.

Menahem Begin à la Maison-Blanche
Deux ans après les accords de Camp David entre le président égyptien Anouar el-Sadate et le Premier ministre israélien Menahem Begin, ce dernier est l’hôte de Jimmy Carter à Washington. Problème de taille pour les cuisiniers de la Maison-Blanche : tout devait être casher. Mesnier raconte : « Un rabbin est venu superviser les opérations et s’assurer que tout se passait selon les règles. D’autres rabbins sont arrivés avec de grandes torches à gaz dont ils ont passé la flamme sur les tables en fer, dans le four, sur les plaques, les moules à gâteaux, tout ce qui pouvait entrer en contact avec la nourriture. La vaisselle a été ébouillantée, toutes les tables recouvertes de papier aluminium [], toujours sous la surveillance du rabbin. » Au final, Begin déclarera que le gâteau concocté par Mesnier – une génoise glacée au sorbet à l’orange – était le meilleur gâteau casher qu’il ait jamais mangé

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Le prince Charles et le sachet de thé
En mai 1981, le prince Charles d’Angleterre, qui accomplissait un voyage officiel autour du monde, fait étape à la Maison-Blanche. Incident amusant, un matin : reçu dans le Bureau ovale, le prince Charles demande du thé. On lui apporte « un plateau avec un pot d’eau chaude, du citron, une tasse dans laquelle était disposé un sachet de thé. Le prince n’a rien fait d’autre que de la contempler avec une grande inquiétude, sans se servir ». Reagan, intrigué mais gêné, finit par lui demander pourquoi il ne s’est pas servi, après le dîner. Réponse du prince : « Le problème, c’est que je ne savais pas quoi faire avec le petit sac. » Eh oui ! En Angleterre, le thé est servi selon un cérémonial immuable : du vrai thé qu’on laisse infuser dans une théière chauffée et qu’on verse dans les tasses, à l’aide d’une passoire en argent. Charles n’avait jamais vu un sachet de thé de sa vie

Le 11 Septembre
Roland Mesnier raconte de l’intérieur la panique qui a saisi la Maison-Blanche ce 11 septembre 2001, tôt dans la matinée : « Vers les 8 heures, je vois de loin Bush sortir, se diriger vers sa voiture et s’en aller. Il se rend en Floride. Il n’y a donc que le personnel, chacun se prépare pour le barbecue qui doit démarrer vers 5 heures de l’après-midi. Je reviens au travail à 8 h 30. [] Soudain, Marlène me dit : Roland, regarde ! Juste à côté de la pâtisserie, un poste de télévision allumé en permanence. Je vois les gens courir, la fumée qui obscurcit le ciel. [] Je m’aperçois que tout le monde évacue la Maison-Blanche en courant. Les agents des services secrets m’empêchent de rejoindre ma cuisine où sont restés des collaborateurs, me ceinturant. Nous sommes très nombreux. On nous dirige vers le square La Fayette, en face de la Maison-Blanche. On dirait une fourmilière affolée. Nous voilà à attendre que le ciel nous tombe sur la tête, désorientés, ne sachant que faire. Soudain, un avion passe en rugissant très près de nous et chacun rentre la tête dans les épaules. Ce n’est pas pour nous, c’est pour le Pentagone. [] Puis des rumeurs commencent à se répandre. Des véhicules circuleraient dans Washington avec des bombes à bord, que les terroristes veulent faire sauter dans la foule. Le temps passait, nous étions toujours là à ne savoir que faire. On n’avait pas d’information, ni aucune nouvelle de nos patrons. Beaucoup commençaient à craquer. Entre-temps, les deux tours du World Trade Center s’étaient effondrées, et le nombre de morts ne cessait d’augmenter, tandis que la télévision repassait en boucle des images terribles, notamment celles des pauvres gens qui avaient choisi de se jeter dans le vide pour échapper au feu, préférant une mort à l’autre. [] Il a fallu des jours et des jours pour tout assimiler. Une chose est de voir les images, d’entendre les informations ou les commentaires, une autre d’intégrer dans son esprit, son cur, sa chair la réalité d’une catastrophe de cette ampleur. Pendant les semaines qui ont suivi, beaucoup marchaient tête baissée, le regard figé, en proie à l’anxiété. Le pays entier était en deuil. »

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