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Selon une enquête de l’université du Maryland, ils sont désormais une majorité à souhaiter le retrait des troupes américaines d’ici à un an.

Publié le 30 octobre 2006 Lecture : 4 minutes.

La politique américaine en Irak étant ce qu’elle est, il est temps de prendre conseil auprès des experts, c’est-à-dire des Irakiens eux-mêmes. Qui savent, eux, ce que l’Amérique doit faire : annoncer un calendrier pour le retrait de ses troupes d’ici à un an. Et ils ont raison. Le fait que les États-Unis ne fixent pas d’échéance et, plus encore, leur éventuelle intention d’installer des bases militaires permanentes en Irak alimentent l’insurrection et font tuer davantage de jeunes Américains.
Un sondage très préoccupant, réalisé en septembre, révèle que 61 % des Irakiens, contre 47 % en janvier, approuvent les attentats contre les Américains. Cette progression rend une victoire contre l’insurrection impossible, car les gens désormais soutiennent, accueillent et protègent ceux qui posent des bombes pour tuer des soldats de l’US Army. Autre grande évolution : alors que les sunnites irakiens sont les seuls à avoir toujours appuyé les attentats antiaméricains, les membres de la majorité chiite soutiennent dorénavant à 50 % ces attaques, un pourcentage nettement plus élevé qu’en janvier. Conduit par l’université du Maryland, ce sondage montre également que 78 % des Irakiens considèrent aujourd’hui que la présence militaire américaine engendre davantage de violence au lieu de la faire diminuer. L’écrasante majorité des Irakiens ordinaires, ceux qui ont le plus à perdre, pensent que leur situation ne s’améliorera que si les Américains se retirent selon un calendrier connu à l’avance. Seuls 9 % approuvent la politique du président George W. Bush, qui veut s’accrocher, tandis que 71 % souhaitent un retrait dans les douze prochains mois.
La campagne électorale de mi-mandat est la période idéale pour un débat public sur la politique irakienne. Le sénateur John Warner, spécialiste républicain des questions militaires, a raison d’évoquer la possibilité d’« un changement de politique ». Il est de plus en plus clair que l’Amérique ne doit pas partir précipitamment, mais qu’elle doit renoncer aux bases permanentes et annoncer un retrait des troupes dans les douze prochains mois. Renoncer aux bases ne devrait pas poser de problème et devrait être le meilleur moyen de sauver des vies américaines. Pour 77 % des Irakiens, les États-Unis ont l’intention d’en installer en Irak (ils ont raison, quoi que nous en disions). Ainsi que le sondage le révèle, « la conviction selon laquelle les États-Unis pensent installer des bases permanentes en Irak est fortement liée au soutien apporté aux attentats antiaméricains ». Les Irakiens qui ne croient pas que les États-Unis veulent des bases approuvent probablement moins les attentats que ceux qui pensent le contraire. Il en résulte donc que si Bush renonce de manière catégorique aux bases, il réduira le soutien populaire aux attentats et sauvera des vies américaines. Selon l’enquête, « il y aurait de bonnes raisons de penser que si les États-Unis s’engageaient à se retirer selon un calendrier, l’appui apporté aux attentats diminuerait ». La moitié de ceux qui approuvent les attentats affirment qu’ils soutiendraient moins ces attaques si l’Amérique rendait public un calendrier de retrait. Depuis la Seconde Guerre mondiale, de la Chine à l’Irak en passant par le Vietnam et l’Amérique latine, l’erreur la plus importante que les Américains aient commise a été de ne pas prendre toute la mesure des nationalismes.
Il n’y a pas aujourd’hui de bonne solution, et je crains qu’un calendrier n’encourage les insurgés à se battre jusqu’au départ des troupes américaines. Ou il se pourrait que l’Irak se désintègre, quoi que fassent les États-Unis. Mais tout indique que la présence des Américains fait plus de mal que de bien, car les Irakiens les soupçonnent de vouloir rester indéfiniment. Selon le Washington Post, un sondage réalisé par le département d’État indique que près des trois quarts des habitants de Bagdad déclarent qu’ils se sentiraient plus en sécurité si les forces américaines quittaient l’Irak. La politique actuelle contribue à répandre l’extrémisme : une lettre interceptée par l’armée américaine et publiée par The Christian Science Monitor suggère qu’al-Qaïda elle-même souhaite que les États-Unis « poursuivent leur politique » et ne se retirent pas. « La prolongation de la guerre est dans notre intérêt », dit la lettre. C’est probablement un argument de propagande et de recrutement.
Un rapport des Nations unies souligne que l’insurrection irakienne inspire et encourage les combattants talibans d’Afghanistan. À peine un mois après, de nouveaux engins apparus en Irak sont utilisés en Afghanistan. Dans le même ordre d’idées, le président du Soudan peut rejeter les demandes d’envoi d’une force internationale de maintien de la paix au Darfour, en jouant sur les craintes arabes de voir les États-Unis s’incruster au Soudan comme ils le font en Irak. À cause de l’Irak, la diplomatie américaine est déstabilisée partout dans le monde. Le moment est donc venu de faire face à cette sombre réalité et d’annoncer que toutes les troupes américaines auront quitté l’Irak avant octobre 2007.

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