Clinton, l’anti-Bush

Pour l’ex-président, l’Amérique peut et doit redevenir « l’empire du Bien ». À condition de mener une politique diamétralement opposée à celle de l’actuel locataire de la Maison Blanche.

Publié le 30 octobre 2006 Lecture : 4 minutes.

En cet automne new-yorkais, à quelques jours des élections au Congrès du 7 novembre – les fameuses midterm -, William Jefferson Clinton n’a jamais été aussi actif. À 60 ans, sa retraite présidentielle n’en est pas une, à en juger par son agenda digne de ses années à la Maison Blanche. De sa résidence de Chappaqua, dans la banlieue de Big Apple, à ses bureaux de Harlem, en passant par les conférences rémunérées et les multiples voyages à bord des jets privés obligeamment prêtés par ses amis fortunés, Bill Clinton est sans doute l’un des hommes les plus occupés des États-Unis. Patron d’une fondation qui porte son nom, envoyé spécial de l’ONU dans les pays ravagés par le tsunami, engagé sur tous les fronts de l’humanitaire et du Charity Business, l’ancien président américain poursuit un triple objectif : sauver la planète, réhabiliter son propre héritage politique et faire élire son épouse Hillary à la présidence de l’État le plus puissant du monde, en 2008.
Fin septembre, à New York, Clinton a franchi un pas de plus sur la voie de cet « empire du Bien » que devraient devenir (ou redevenir) à ses yeux les États-Unis d’Amérique. À l’occasion de la tenue de son propre sommet, une sorte de Davos de l’humanitaire, en présence de tout le gratin des fondations philanthropiques et de la people diplomatie, il a lancé la « Clinton Global Initiative ». Une initiative mondiale destinée à lutter contre les grands maux du siècle – pauvreté, sida, réchauffement climatique et conflits ethniques -, mais dont le but explicite est aussi de donner à voir un autre visage des États-Unis. L’inverse de celui qu’offre depuis six ans la politique de George W. Bush.
Entre deux entrées en scène style Téléthon, afin d’annoncer les engagements financiers pris par les généreux donateurs, Bill Clinton a expliqué, les yeux dans les yeux d’un public conquis d’avance par son charisme, le sens de son message. « Dans un monde interdépendant, il est impossible de détruire tous ses ennemis ou d’occuper leurs territoires. Il faut donc s’efforcer d’avoir plus d’amis et moins d’ennemis, a-t-il martelé. Nous avons besoin d’alliés et de partenaires. Si puissants que nous soyons, il nous est impossible de résoudre seuls tous les problèmes de la planète. » Le langage est simple, mais, dans un pays en plein désarroi et dont le bourbier irakien est devenu le cimetière de toutes les arrogances, il porte. L’Amérique de 2006 n’est pas aimée dans le monde, ajoute en substance Clinton, elle est même haïe en bien des régions, mais cette détestation n’est pas irréversible. Si les États-Unis prennent au Moyen-Orient une vraie initiative de paix et s’ils consacrent à promouvoir l’éducation et la santé dans les pays déshérités ne serait-ce qu’une partie des quelque 300 milliards de dollars qu’a coûtés la guerre en Irak, ils pourront alors entamer la reconquête des curs et des esprits. « C’est le seul moyen, conclut Bill Clinton, de dissiper les menaces qui pèsent sur notre sécurité nationale. »
Expert en maniement des images, l’ancien président choisit, pour illustrer son propos, un exemple précis : celui des madrasas (écoles coraniques) du Pakistan, longtemps considérées comme des viviers de radicalisme au sein desquels puisait – et puise encore – al-Qaïda. « Les madrasas sont gratuites alors que le système d’éducation moderne est payant, explique Clinton. Pour les familles démunies, ces écoles sont une aubaine, la seule façon de placer leurs enfants dans un environnement structuré. Si les États-Unis consacraient à l’éducation une fraction de l’aide militaire fournie chaque année au gouvernement Musharraf, la lutte contre le terrorisme serait autrement plus efficace puisque nous traiterions ce problème à la racine. » Dans la salle, ses amis Bill et Melinda Gates, Warren Buffet, George Soros et Frank Ginstra applaudissent
Clinton, l’anti-Bush ? C’est un peu cela. Même si, pour ne pas gêner Hillary qui, sur tous les sujets ?- y compris celui de la guerre en Irak -, cherche à se positionner au centre et à ne pas effrayer l’électorat conservateur, l’ex-président évite les positions tranchées, quitte à faire régulièrement la leçon à son successeur. En privé, comme le raconte une récente livraison du New Yorker, Bill Clinton est féroce. De l’équipe de « néocons » qui entoure et conseille George W. Bush, il dit : « À côté d’eux, Richard Nixon était un communiste ! » Et il ajoute : « Leur plan pour l’Irak d’après l’invasion, c’est le genre de brouillon que deux étudiants en relations internationales auraient bâclé en trois quarts d’heure. Ils étaient persuadés que ce serait facile, que tous les Irakiens seraient de leur côté et que les violences pourraient être rapidement maîtrisées. Quelle arrogance ! » Une arrogance qui, à l’en croire, est à la source du sentiment de rejet que suscitent les États-Unis dans le monde. Et dont on trouve une dernière illustration dans ces propos du vice-président Dick Cheney, recueillis par Time : « Nous ne sommes pas à la recherche d’une stratégie de sortie de l’Irak. Nous cherchons la victoire. »

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