[Tribune] Glencore joue avec le feu

Alors que Glencore vient de trouver un terrain d’entente avec ses deux principaux partenaires en RDC, la multinationale suisse pourrait être rattrapée par les compromis passés avec ses partenaires congolais.

Les mauvaises nouvelles n’ont de cesse de s’accumuler pour Glencore, dont la réputation est désormais gravement entachée. Ici le siège du géant du négoce de matières premières à Baar, en Suisse. © Urs Flueeler/AP/SIPA

Les mauvaises nouvelles n’ont de cesse de s’accumuler pour Glencore, dont la réputation est désormais gravement entachée. Ici le siège du géant du négoce de matières premières à Baar, en Suisse. © Urs Flueeler/AP/SIPA

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  • Christophe Le Bec

    Christophe Le Bec est journaliste économique. Il couvre l’actualité des secteurs pétrolier, minier et industriels (automobile et aéronautique). Il s’intéresse aux questions de transparence et de gouvernance, ainsi qu’aux organisations patronales et syndicales. Il lui arrive aussi d’écrire sur des sujets religieux et sur la Guinée.

Publié le 29 juin 2018 Lecture : 3 minutes.

Pour continuer à extraire et à vendre du cobalt, Glencore semble prêt à tout. Le géant suisse qui règne en maître sur les marchés des matières premières, et particulièrement de celles extraites du sous-sol africain, vient de trouver un terrain d’entente avec ses deux principaux partenaires en RD Congo : la Gécamines, la compagnie publique minière de l’État, active au Katanga ; et le sulfureux homme d’affaires israélien Dan Gertler. Ils étaient à couteaux tirés depuis plusieurs mois.

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Dirigée par Albert Yuma depuis 2010, redoutable bateleur aux accents souverainistes, la Gécamines menaçait Glencore d’obtenir d’un tribunal congolais la dissolution de leur coentreprise dans la mine de Kamoto (Kamoto Copper Company, KCC).

Cette gigantesque exploitation, pilotée par les ingénieurs et les techniciens de Glencore, doit produire en 2019 autour de 300 000 tonnes de cuivre et, surtout, 34 000 tonnes de cobalt. Cela ferait d’elle le premier site extractif du monde pour ce minerai (utilisé notamment dans la fabrication des batteries automobiles), dont les prix ont été multipliés par plus de trois en deux ans.

Endettement astronomique

Albert Yuma fustigeait l’endettement astronomique – de 9 milliards de dollars (7,5 milliards d’euros) – que Glencore faisait supporter à KCC, grevant ses résultats, et l’absence de distribution de dividendes à la Gécamines. Pour éviter la dissolution et satisfaire le bouillant président de la Gécamines, le négociant a accepté le 12 juin de reprendre 5,6 milliards de dollars de sa dette à son compte, convertis en part de la coentreprise.

Le géant des matières premières, dirigé depuis la discrète ville de Zoug par le Sud-Africain Ivan Glasenberg, a également signé un chèque de 191 millions de dollars à la Gécamines pour régler leurs différends commerciaux et des dépenses d’exploration. Et promis de lui verser des dividendes à partir de 2019, représentant 2 milliards de dollars étalés sur dix ans.

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Liste noire

Avec Dan Gertler, grâce auquel Glencore a pu prendre pied à Kamoto en lui rachetant ses parts de la mine, le négociant a aussi transigé. Du fait des sanctions du Trésor américain – l’Israélien, proche du président Joseph Kabila, figurant sur sa liste noire des personnalités soupçonnées de corruption – interdisant toute transaction avec lui, le suisse avait cessé à la fin de 2017 de lui verser les royalties dues contractuellement.

Après une action intentée en justice en RDC par Dan Gertler à son encontre, Glencore a indiqué le 19 juin avoir trouvé un accord avec lui, annonçant qu’il reprenait ses paiements à l’homme d’affaires israélien, mais en euros, et non plus en dollars, espérant ainsi échapper aux foudres du Trésor américain.

Le changement de devise pour le paiement des royalties ne semble guère avoir convaincu Washington

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Le pari congolais de Glencore est triplement risqué. D’abord, le changement de devise pour le paiement des royalties ne semble guère avoir convaincu Washington.

Quelques heures à peine après l’annonce de la reprise des versements à Dan Gertler, le Trésor américain annonçait l’extension de ses sanctions à quatorze sociétés appartenant à l’Israélien, dont Ventora, qui doit justement percevoir les royalties payées par Glencore.

Par ailleurs, le Serious Fraud Office, organe anticorruption britannique, mène actuellement une enquête sur les liens entre l’Israélien et l’entreprise suisse. Avec d’autres sanctions possibles à la clé.

Sursis

Ces accords avec la Gécamines et Dan Gertler semblent pour l’instant régler les soucis congolais de Glencore. Du moins tant que le régime actuel se maintient au pouvoir à Kinshasa. Car, même si elles ont été maintes fois reportées, des élections devraient bien avoir lieu d’ici à la fin de l’année. En cas de changement politique, même partiel, les arrangements actuels pourraient être dénoncés.

À chaque épisode de l’aventure congolaise de Glencore, son cours décroche un temps

Enfin, les contorsions congolaises de Glencore, coté à Londres et composant de l’indice FTSE 100, pourraient in fine déplaire à ses actionnaires. Ces derniers commencent à comprendre que la mauvaise publicité relative aux questions éthiques peut coûter très cher à l’entreprise.

À chaque épisode de l’aventure congolaise de Glencore, son cours décroche un temps, même s’il reste globalement orienté à la hausse. Alors que l’incertitude règne sur l’avenir politique de la RDC et que les autorités américaines et britanniques étendent investigations et sanctions, le numéro d’équilibriste de Glencore pourrait mal se terminer.

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