Vous et Nous
Des Arabes parmi les Justes
Nombreux sont ceux qui tiennent les immigrés musulmans pour responsables de l’antisémitisme présent en Europe. Dans son ouvrage Le Colonialisme et son lendemain. Une communauté juive algérienne à Batna (Bergin & Garvey, 1988), Élisabeth Friedman étudie le cas d’anciens habitants juifs de Batna établis dans une ville du sud de la France après 1962. Elle découvre qu’à Batna, des Algériens musulmans avaient sauvé et caché des juifs aux milices de Vichy. Je crois qu’il est grand temps de commencer à construire quelque chose en commun, au lieu de s’insulter sans cesse, avant que ce conflit ne nous engloutisse tous ensemble. Cela ne fait que servir « le troisième parti qui se réjouit quand les deux autres se disputent », comme il est sagement dit dans un « proverbe » de l’Ancien Testament.
Trop peu, trop tard
Vous avez mille fois raison de dénoncer le scandale des pensions de guerre versées aux anciens combattants africains (J.A.I. n° 2262). C’est une honte, et les miettes allouées trop peu et trop tard auraient dû interpeller depuis bien longtemps nos gouvernements (français et africains) successifs. Quant à la question de savoir si l’on doit payer les Africains comme les Français, la réponse est oui, bien sûr. Pourquoi un adjudant africain amputé des jambes ne pourrait-il pas cumuler sa retraite d’ancien combattant et sa pension d’invalidité, au risque de gagner plus que son ministre qui, lui, a ses deux jambes ? Demandez donc au ministre s’il accepterait de faire l’échange. Je ne le pense pas.
Surnoms innocents
En lisant le témoignage d’Affet Mosbah (J.A.I. n° 2270), j’ai été autant surpris que choqué par ses propos qualifiant la société tunisienne de raciste. Appeler un Noir « oussif » ne peut en aucun cas être considéré comme un acte raciste. Surtout qu’un roux est appelé « el-rouge », un petit el-qezm (« nain »), un chauve l-aslaa, etc. On souligne un trait physique qui différencie la personne, mais qui ne l’exclut jamais.
A-t-on pensé aux enfants ?
L’article « Polygamie hors la loi » dans le « Plus Bénin » du n° 2273 m’a interpellé. Il faut saluer le courage de tous ceux qui ont contribué à faire voter ces lois. Mais je m’interroge sur la question de la reconnaissance des enfants nés « hors du foyer ». Comment peut-on attendre l’accord de l’épouse dite légitime sur un problème aussi délicat ? A-t-on pensé aux enfants qui, eux, n’ont rien demandé à personne ? Les exemples sont légion d’enfants qui souffrent à cause de leurs marâtres ou des « coépouses » de leurs mères. Le comble, c’est que l’État limite le nombre d’enfants reconnus à six ! Qu’on veuille responsabiliser les hommes, très bien. Mais ces deux dispositions me dérangent énormément et, à mon humble avis, laissent augurer d’autres situations dramatiques.
Politique de l’autruche
Je suis consterné par la virulence des propos de certains Marocains à la suite de vos articles sur le racisme au Maghreb. Zoubeïrou Maïga a vécu quinze ans au Maroc et connaît les us et coutumes de ses habitants. Au lieu de pratiquer la politique de l’autruche, les Marocains feraient mieux de regarder la réalité en face. Qu’on ne nous dise pas qu’il y a des milliers de Subsahariens qui continuent de bénéficier de bourses d’études du royaume pour prétendre que le racisme n’existe pas. L’ex-URSS donnait également des bourses gratuites aux pays africains. Il n’empêche que s’est développé là-bas le racisme le plus sauvage vis-à-vis des peaux basanées. Noirs, Gitans, Tchétchènes et autres Caucasiens continuent d’en faire les frais.
Double sens
Le vieux lecteur que je suis de votre magazine depuis le temps où il s’appelait encore Afrique Action a noté ce qui s’apparente à un contresens dans un article de votre série sur le racisme au Maghreb. S’agissant de l’Algérie, votre journaliste a confondu « peau » (el-btana) et « entrailles » (el-batn). Kahl el-btana signifie « à la peau noire » et non « aux entrailles (ou à l’âme) noires » !
Réponse : Le terme btana est utilisé, selon les dialectes régionaux, pour évoquer la toison du mouton que l’on vient d’égorger ou ses abats. En l’occurrence, kahl el-btana peut être traduit par peau noire ou entrailles noires.
Nous, les Noirs…
Jusqu’à quand les Africains subsahariens vont-ils se plaindre et se constituer en victimes ? Il est dans la nature de l’homme de faire ressentir à l’autre qu’il est différent. L’homme blanc n’est-il pas également, en Afrique, un objet de curiosité et, parfois, de regards agressifs ? Et que dire des slogans : « vrai Gabonais », « vrai Ivoirien » ? Les premiers à mépriser les Noirs sont les chefs africains eux-mêmes. Quand ce n’est pas un dictateur névrosé, c’est un ivrogne prédateur ou un féticheur imposteur qui s’est arrogé le pouvoir et ruine son pays. Un Africain noir ne serait pas aussi vulnérable en Europe ou ailleurs s’il était un Noir américain. L’humiliation de la traite négrière et la honte de l’esclavage, c’est de l’histoire, nullement fatale. Et si c’est le pouvoir économique qui détermine notre subordination, le défi est relevable.
vous & nous forum
Des cas isolés
par François Lonsény Fall (*)
Pierre-Paul Royer Collard disait : « N’attaquez jamais un homme pour les idées qu’il n’a pas, vous risqueriez de les lui donner ! » En jetant l’opprobre sur l’Algérie et les Algériens, vous contribuez davantage à exacerber le racisme qu’à l’endiguer ! Dire que le racisme est inexistant en Algérie serait mensonger, mais il n’y a jamais eu en Algérie d’incidents graves qui méritent d’être signalés, et c’est là l’essentiel. Vous ne faites que relater des cas isolés de discrimination qui émanent d’idiots et qui salissent le Maghreb dans son ensemble. En revanche, vous devriez mener une enquête sur un racisme beaucoup plus virulent : celui des Noirs entre eux. Les conflits ethniques sont une des principales causes de mortalité en Afrique.
Un mal universel
Étant moi-même un ancien étudiant noir à Alger, je n’ai pas été surpris par les réactions des Maghrébins « blancs » à la suite de vos enquêtes sur le racisme. Si vous faisiez une enquête auprès des anciens étudiants noirs du Maghreb, vous ne seriez pas surpris de constater que l’immense majorité d’entre eux ne souhaite pas retourner dans ces pays. Néanmoins, il existe aussi du racisme dans nos pays subsahariens, surtout quand il s’agit de se marier avec un étranger.
Quand l’ethnie tue la nation
Les massacres de Gatumba au Burundi ont visé les Tutsis congolais. Du point de vue juridique, deux États sont concernés : la RD Congo, pays des victimes, et le Burundi, lieu où les crimes ont été perpétrés. Déjà, le Rwanda, pays non concerné juridiquement, élève la voix et menace la RDC. Qu’est-ce à dire ? La tragédie de l’Afrique réside en ce que le concept de « nation » se trouve souvent supplanté par celui d’« ethnie ». Ainsi de la situation qui nous préoccupe : le Rwanda et le Burundi, c’est-à-dire les Tutsis rwandais et burundais, debout comme un seul homme, se sentent moralement et affectivement interpellés pour venger leurs frères congolais. Une autre guerre est déjà en gestation en RDC. L’ONU, comme toujours, attendra qu’elle commence d’abord pour dénoncer ensuite…
Trompe l’oeil
J’approuve totalement le point de vue d’un lecteur relevant que l’Union africaine (UA) est vouée à de multiples difficultés sinon à un échec (J.A.I. n° 2274). Les idéaux de démocratie prônés par l’UA sont diamétralement opposés aux politiques appliquées par la grande majorité des dirigeants africains. Ne nous y trompons pas, ils courent tous vers l’UA dans l’unique but de s’assurer un minimum de contrôle sur cette entité.
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