Vive le pluralisme !

Publié le 30 août 2004 Lecture : 3 minutes.

Période noire pour les médias africains ? Le rapport 2004 de l’association Reporters sans frontières va, en tout cas, droit au but : les atteintes à la vie et les arrestations de journalistes se sont multipliées au cours des dix-huit derniers mois, et plusieurs organes indépendants ont souffert de la censure. La Côte d’Ivoire, le Zimbabwe, l’Érythrée sont les pays qui présentent le plus de dangers pour le travail des reporters. Dans d’autres pays, comme au Gabon, à Djibouti, au Tchad, au Niger et au Burundi, la pression du pouvoir est plus insidieuse… mais bien réelle.
Le pluralisme de l’information est-il pour autant menacé ? Non. Il ne l’est pas dans la plupart des pays du continent. Depuis les années 1990 et l’avènement du multipartisme, la presse africaine connaît, en effet, un développement sans précédent. Sur cinquante-trois pays, seuls une dizaine d’États conservent un monopole sur la radio et la télévision, en grande majorité en Afrique subsaharienne. La plupart des nations possèdent une presse écrite indépendante ou d’opposition.

« L’émergence de la presse privée charrie un nouveau discours, critique, diversifié, polémique, rompant avec des décennies de griotisme », expliquait Marie-Soleil Frère, de l’Agence de la Francophonie en mars 2003, lors des journées d’étude sur la libération et l’extension des médias en Afrique. Souvent la presse s’est érigée en « chien de garde » du processus démocratique. Elle a notamment joué un grand rôle lors des transitions au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Et elle demande des comptes aux dirigeants du continent. Certes, elle est – sans l’appui d’une société civile forte – encore bien impuissante pour empêcher les malversations et les détournements de fonds. Mais, en les relatant, à défaut d’agir directement sur les gouvernements, elle met dans l’obligation les partenaires financiers du développement de demander des comptes aux pouvoirs publics.
Sur certains sujets, la presse a lancé de véritables campagnes, voire des croisades, pour la défense des intérêts des populations. C’est le cas sur des thèmes sensibles comme le sida et l’agriculture. En permettant l’émergence d’un débat public, les médias ont développé l’esprit critique des citoyens et favorisé le travail des acteurs économiques et sociaux. La proclamation de la liberté de la presse s’est également traduite par une évolution de l’environnement réglementaire de l’exercice des médias : nouveaux textes de loi, création d’instances de régulation, aides à la presse, régime de sanctions… Reste que les dérapages médiatiques sont encore trop nombreux sur le continent : on accuse, on jette le discrédit, on répand les rumeurs, on lance des informations sans vérification, ou pis sans preuve.

la suite après cette publicité

Outre l’amélioration du contenu, l’autre grand défi de la presse africaine est celui de son financement. Beaucoup d’organes continuent à fonctionner avec des moyens financiers très réduits. Très faiblement rémunérés par leurs rédactions, certains journalistes courent après le « gombo » pour trouver des revenus complémentaires. Beaucoup d’entreprises de presse ne survivent que grâce au financement d’hommes politiques et d’affaires qui cherchent avant tout à servir leurs intérêts. Quelques entreprises sont parvenues à acquérir leur indépendance économique, très souvent d’ailleurs en se regroupant. À l’instar de ce qui s’est passé dans les années 1980 et 1990 dans les pays développés, les médias africains ont entamé un processus de concentration. Certes, il est loin d’être avancé dans tous les pays, mais quelques grands groupes comme Sud Communication au Sénégal ou Johnnic et Nail en Afrique du Sud s’imposent dans le paysage audiovisuel de leur pays.
Ces nouveaux groupes permettent de réaliser des économies d’échelle, mais aussi de professionnaliser les organes et d’avoir des politiques plus ambitieuses en matière de traitement de l’information. Ils sont certainement les pionniers de la presse africaine de demain.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires