Niger : le piège du désert se referme sur des centaines de réfugiés soudanais

« On est traumatisés, essoufflés et toujours aucune lueur d’espoir », s’apitoie Mohamed, un réfugié soudanais, affalé sur une natte dans un centre de transit onusien à Agadez, dans le nord du Niger.

Sépulture de migrants retrouvés morts de soif dans le désert nigérien en 2013. © Almoustapha Alhacen/AP/SIPA

Sépulture de migrants retrouvés morts de soif dans le désert nigérien en 2013. © Almoustapha Alhacen/AP/SIPA

Publié le 23 juin 2018 Lecture : 3 minutes.

« Il n’y a pas de doute, nous sommes tombés dans le piège infernal du désert« , renâcle un de ses compagnons d’infortune.

Depuis septembre 2017, un flot de réfugiés soudanais, fuyant les atrocités en Libye voisine, déferle sur Agadez, la grande ville nigérienne aux portes du désert. Tous sont arrivés en détresse, entassés dans des camions avec femmes et enfants, selon des ONG locales.

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« Nous avions fui les tortures, les viols, le génocide au Darfour pour aller en Libye à la recherche de meilleures conditions de vie », explique un de leurs représentants à Filippo Grandi, le Haut Commissaire de l’ONU aux réfugiés (HCR) en visite à Agadez.

Le HCR héberge les femmes et les enfants dans une grande villa, au centre ville, où ils sont nourris et soignés. Les hommes, dont de très nombreux adolescents, sont accueillis dans la périphérie où ils dorment sous des hangars en tôles, avec de l’eau courante. Les plus malchanceux vivent dans la rue, sous des abris très précaires et à la merci des violentes tempêtes de sable.

Le HCR évalue ces demandeurs d’asile à 1.300 personnes et les autorités locales à près de 2.000.

« 10% de ces réfugiés soudanais étaient dans des camps au Tchad, où la baisse de l’assistance les a poussés en Libye, avant de se retrouver coincés à Agadez », explique à l’AFP Vincent Cochetel, l’envoyé spécial du HCR pour la situation en Méditerranée centrale. « Pendant plusieurs mois les autorités nigériennes ne voulaient pas que ces gens aient accès à la procédure d’asile, mais un accord a été trouvé », assure-t-il.

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« Il se peut que quelques uns aient besoin d’asile », mais « il n’y aura pas de réinstallation pour eux » dans des pays tiers, a clarifié Filippo Grandi qui a discuté de cet épineux problème avec le président nigérien Mahamadou Issoufou. Il a néanmoins promis que son agence « va continuer à les soutenir » et « à les héberger à Agadez ».

Tensions avec les habitants

Mais la présence prolongée de ces réfugiés alimente les tensions au sein de la population excédée par la précarité économique, les fréquentes pénuries d’eau potable et d’électricité.

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« La cohabitation se passe mal, ce sont des jeunes fougueux qui ne respectent aucune loi », selon le maire d’Agadez Rhissa Feltou. Certains « ont même combattu en Libye et au Soudan », affirme-t-il.

« Ils volent et agressent nos femmes », accuse un chauffeur de taxi-moto.

Rhissa Feltou dénonce surtout « la pression sur les faibles ressources » dont « le système d’assainissement et sanitaire » de sa commune de 145.000 habitants, qui accueille déjà « chaque mois pas moins de 500 Ouest-Africains refoulés d’Algérie ».

« C’est clair : si vous ne respectez rien, ça sera très difficile de vous aider et la communauté locale sera très en colère », a prévenu Filippo Grandi devant les représentants des réfugiés.

Pour prévenir d’éventuelles confrontations violentes, le HCR envisage de réinstaller ses pensionnaires loin de la ville.

En marge de la visite de Filippo Grandi, des dizaines de personnes ont manifesté pacifiquement contre « la lenteur » dans l’examen de leur demande d’asile.

Rhissa Feltou rend le HCR responsable de cette agitation. « Le HCR a publié qu’il pouvait protéger tous les demandeurs d’asile, tous ceux qui sont persécutés chez eux, les réseaux sociaux ont repris l’information et du jour au lendemain, on s’est retrouvés avec un afflux massif de ces personnes là », râle-t-il. Et « ils continuent d’arriver », pendant que les centres « sont complètement débordés ».

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