Rwanda : faire oublier les mille collines
La réputation de la radio n’a nulle part été aussi ternie que sur les vertes collines de Kigali. Dans un pays à 90 % rural, les ondes ont montré leur toute-puissance… comme instrument de mort. D’avril à juillet 1994, c’est au rythme des appels à la haine et au meurtre des Tutsis, distillés entre deux plages musicales sur la Radiotélévision libre des Mille Collines, que les génocidaires ont « fait le travail ». Quarante-neuf professionnels des médias ont été exterminés et vingt-cinq autres sont actuellement en prison pour incitation et/ou participation au génocide. Difficile de se relever d’un tel traumatisme et de redorer le blason de la presse en général et de la radio en particulier.
Huit ans après le drame, à la suite d’une lente et délicate maturation, une nouvelle loi sur la presse a été édictée en 2002, dont les articles 10 et 11 affichent le caractère libéral : « la presse est libre » et « la censure est interdite ». Dans les faits, l’histoire récente est dans toutes les têtes, et personne n’a envie de se voir accusé de tenir des propos à caractère « divisionniste » ou « ethniciste », la charge la plus infamante qui soit dans le Rwanda post-génocide. Comme les hommes politiques et, en réalité, comme tous les Rwandais, les journalistes parlent avec d’infinies précautions. Et évitent les sujets sensibles, au premier rang desquels la cohabitation entre les communautés hutue et tutsie.
Sur le plan de la reconstruction institutionnelle, un pas supplémentaire a été franchi en février 2003 avec la mise en place du Haut Conseil de la presse (HCP), organe de régulation du secteur. La libéralisation du paysage audiovisuel s’est enfin concrétisée en février 2004, lorsque le HCP a accordé l’autorisation d’émettre à cinq radios privées, dont trois commerciales, une associative et un studio-école de l’Institut de journalisme de l’Université nationale du Rwanda. Seule Radio 10, qui a obtenu sa fréquence (90.02 FM) contre le paiement requis de 1 000 dollars, émet depuis le 28 février dernier, 24 heures sur 24, en français, en anglais et en kinyarwanda à Kigali et dans les provinces de Gitarama (Centre), Ruhengeri (Nord) et Umutara (Est). Lors de l’inauguration officielle de la radio le 25 mars 2004, en présence du ministre de l’Information, son directeur général Eugène Nyagahene s’est voulu rassurant : « Tous les risques de dérapage sont contrôlés au niveau de la loi et au niveau des médias, l’histoire ne se répétera pas ! »
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