Pour une dépénalisation des crimes de plume

Publié le 30 août 2004 Lecture : 2 minutes.

La cour d’appel de Cotonou a donné l’ordre de libérer, le 19 août, Patrick Adjamonsi, directeur de publication du quotidien L’Aurore. En prison depuis le 13 août, il effectuait une peine de six mois pour diffamation envers Dame Amoussou, membre de la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC), pointée du doigt dans un article dénonçant la mauvaise répartition des aides de l’État. Depuis le début des années 1990, les procès en diffamation contre les professionnels des médias ont augmenté avec l’avènement du pluralisme de l’information et le développement de la presse privée, plus critique à l’égard des dirigeants politiques et économiques.
« La plupart des plaintes pour diffamation sont le fait, non pas de citoyens, mais de gouvernements, qui de par leurs activités sont pourtant susceptibles d’un examen attentif », explique l’ONG britannique Article 19 qui milite pour la liberté d’expression dans le monde.
Et dans certains cas, les jugements débouchent sur des peines de prison. Plusieurs pays incarcèrent également les journalistes, non pas pour diffamation, mais pour propagation de fausses nouvelles ou atteinte à l’ordre public. En Afrique subsaharienne, de nombreux journalistes ont ainsi été emprisonnés en 2003 et 2004 (*). D’autres ont été retenus en détention comme en Côte d’Ivoire, au Zimbabwe, au Mali et au Nigeria.
Le plus souvent les lois sur la diffamation sont utilisées pour exercer une pression sur les journalistes dans l’exercice de leurs fonctions. Selon Article 19, en Afrique australe, leur travail est difficile, car ils doivent apporter la preuve de leurs allégations en cas de procès, contrairement à la plupart des pays développés, où les journalistes ne sont pas obligés de dévoiler leurs sources. En Afrique francophone, les législations sont copiées sur l’ancienne loi française de 1881 qui est particulièrement répressive à l’égard des journalistes. Quelques pays ont récemment supprimé les peines de prison pour délits de presse. Il s’agit du Congo-Brazzaville, de Madagascar et du Mozambique. D’autres, comme la Centrafrique et le Togo, ont demandé l’expertise de Reporters sans frontières (RSF) dans le but de préparer de nouvelles lois pour leur dépénalisation. RSF rappelle que, conformément aux recommandations des Nations unies, les délits de presse ne doivent pas être sanctionnés par des peines d’emprisonnement.
Reste que la dépénalisation n’enlève rien à la très lourde responsabilité des hommes de plume. Les dérives professionnelles et les abus « du quatrième pouvoir » demeurent trop nombreux sur le continent. Quelles sanctions établir alors pour réprimer les mauvais élèves ? RSF plaide pour des peines « proportionnées », notamment des amendes adaptées aux réalités locales et à la situation financière des organes et des journalistes, ou bien à des retraits de carte de presse.

* Reporters sans frontières a signalé pour 2003 et 2004 des cas d’emprisonnement au Gabon, au Bénin, au Niger, en Éthiopie, en Érythrée, au Zimbabwe, en République démocratique du Congo, au Tchad, en Somalie, en Sierra Leone, en Centrafrique, à Djibouti et en Somalie.

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