Ma vision d’une nouvelle Guinée
En quittant mes fonctions de chef du gouvernement, j’étais loin d’imaginer la vague de soutien que cet acte allait susciter en Guinée et à travers le monde. Que tous ceux qui, connus ou anonymes, m’ont témoigné leur solidarité en soient ici remerciés. La « maison Guinée » constitue, j’en suis certain, le motif de leur soutien.
La période qui a suivi ma démission m’a surtout permis de jauger la situation de mon pays et d’affiner ma vision sur la Guinée de demain. Généreusement dotée par Dieu de ressources humaines de qualité et d’abondantes ressources naturelles, la Guinée continue d’être le pays des paradoxes, croupissant toujours dans une misère inacceptable. […]
Aujourd’hui s’ouvrent pour la Guinée de nouvelles perspectives. Cette fois, les Guinéens devront se ressaisir. […]
La construction d’une société démocratique devra tenir compte des erreurs du passé qui ont laissé des traces, mais qui peuvent être guéries par l’acceptation d’un processus de réconciliation nationale du genre « Vérité et Réconciliation » qui a fait ses preuves dans d’autres pays. […] Une société qui aspire au progrès est une société qui a la capacité de se guérir elle-même. Le pardon est un don de Dieu que tous les citoyens guinéens doivent accepter, une fois l’abcès crevé. […]
Pour cela, il faut :
– bannir l’exclusion, mère des injustices et des frustrations, sous toutes ses formes ;
– offrir des chances égales à tous, sans aucune considération d’appartenance ethnique, régionale ou religieuse ;
– encourager le retour de l’importante diaspora guinéenne et favoriser son insertion dans le processus de développement sociopolitique et économique ;
– refondre systématiquement le secteur économique, financier, commercial et minier par l’adoption de mesures énergiques et adéquates pour la relance des activités économiques et la création d’emplois. Aujourd’hui, seize promotions de jeunes diplômés des universités et autres centres de formation sont dans la rue à la recherche de leur premier travail. Les femmes, autre couche vulnérable, sont à bout de souffle dans la lutte pour leur survie ;
– mettre en oeuvre une véritable politique agricole pour assurer l’autosuffisance alimentaire et la promotion des produits agricoles. Selon l’ex-gouverneur Roland Pré dans son livre L’Avenir de la Guinée française, notre pays a produit 200 000 tonnes de riz pour la seule année 1951. Cette indication se passe de tout commentaire. Le pays dispose en effet de tous les atouts naturels pour en faire le grenier de la sous-région ;
– créer un organe indépendant chargé de la protection et de la promotion des droits de l’homme en Guinée ;
– favoriser le développement du courage civil et moral, qualité essentielle pour extirper la peur, le sentiment d’impuissance et de résignation qui ont toujours annihilé tout effort de lutte et de changement en Guinée.
La bonne réussite de ces mesures doit reposer sur l’absolue nécessité de rétablir la justice afin de créer les conditions idoines d’une vie paisible pour tous, dans le strict respect des droits et des devoirs de chacun. Elle repose également sur l’émergence d’une nouvelle classe politique et de dirigeants qui se considèrent comme des serviteurs du peuple, respectant les lois de la République et les droits des citoyens.
Voilà mon rêve pour la Guinée. Une Guinée démocratique et prospère qui reprendra rapidement sa place naturelle dans le peloton de tête des nations africaines. Ma vision d’une Guinée nouvelle, au moment où une lueur, annonciatrice de lendemains meilleurs, pointe à l’horizon.
Le passage du témoin devra se faire sur la base de règles consenties par toutes les sensibilités guinéennes, tout en gardant à l’esprit l’absolue nécessité de la sauvegarde de l’unité nationale et de l’ouverture de l’espace politique à une compétition loyale et équitable, dans le seul intérêt des populations trop longtemps éprouvées.
L’occasion est unique pour sauver notre pays. Saisissons-la.
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