À l’heure des comptes

Publié le 31 août 2004 Lecture : 2 minutes.

Peut-on passer l’éponge sur des crimes « politiques » au nom de la réconciliation nationale, de la paix retrouvée ou de la Realpolitik ? Doit-on accorder le pardon à des despotes et à leurs séides, alors même que ces derniers refusent avec ostentation de se repentir et, pour certains, « assument » au grand jour leurs forfaits passés ? Doit-on effacer la responsabilité d’Augusto Pinochet dans la liquidation, entre 1973 et 1990, de milliers d’opposants « communistes et gauchistes », oublier la brutalité, le sadisme et le professionnalisme de ses zélés serviteurs ? Dans ce débat, vieux comme le monde, la Cour suprême du Chili vient de trancher, en décidant, le 26 août, de priver Pinochet de son immunité, ouvrant la voie à un éventuel procès pour violation des droits de l’homme. Grâce à cet arrêt historique, pris à une courte majorité, neuf magistrats ayant voté pour, huit contre, l’ancien dictateur, aujourd’hui âgé de 88 ans et atteint, à en croire ses avocats, de « démence sénile », devra rendre des comptes, non pas devant un tribunal international, généralement suspecté de parti pris « droits-de-l’hommiste », mais, comme naguère, en Centrafrique, un certain Jean-Bedel Bokassa Ier (et dernier), devant la justice de son pays. Il faut s’en féliciter.

Les avocats des victimes et les proches des « disparus » espèrent pouvoir établir la responsabilité du tombeur de Salvador Allende dans le fameux plan « Condor », cette alliance objective entre les régimes militaires sévissant à l’époque en Amérique du Sud pour l’élimination de leurs opposants respectifs, avec le concours des polices secrètes des différents pays.

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La portée de la décision des superjuges de Santiago va bien au-delà des frontières du Chili. Elle prend fait et cause pour ceux qui, en Afrique, en Asie, en Europe, en Amérique et ailleurs, refusent obstinément de confondre amnésie et amnistie, immunité et impunité, de passer par pertes et profits, au nom d’une prétendue paix civile à préserver, les années sombres, les supplices, les pogroms. Responsables de leurs actes, les exécuteurs de basses oeuvres, les seconds couteaux de la barbarie, mais aussi et surtout leurs commanditaires, doivent rendre des comptes, quitte à se faire pardonner une fois les coupables identifiés, la justice rendue. Il n’y a pas d’autre antidote au crime, au déni de justice et à la dictature.

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