Le multilatéralisme selon Kerry

Publié le 30 août 2004 Lecture : 2 minutes.

La politique étrangère est au coeur de la campagne présidentielle américaine. Jamais depuis la guerre du Vietnam elle n’a joué un rôle aussi crucial. La raison en est évidemment l’Irak. Les Américains savent aujourd’hui que les motifs invoqués pour justifier la guerre étaient largement fallacieux. Il n’y avait pas d’armes de destruction massive. Il n’y avait pas de liens importants avec el-Qaïda. Il n’y avait pas non plus de menace imminente. S’il est vrai que la Coalition a chassé un abominable dictateur, les résultats ne sont guère encourageants.
En outre, les États-Unis ont payé le prix fort pour leurs échecs diplomatiques. En agissant unilatéralement en Irak, ils n’ont pas rassemblé une force militaire multinationale assez puissante pour organiser l’occupation. En agissant préventivement, ils n’ont pas affirmé leur légitimité aux yeux de la plus grande partie du monde. L’arrogance américaine n’a pas permis de préparer les lendemains compliqués d’une invasion facile.
Le candidat démocrate John Kerry propose une autre politique étrangère, plus multilatérale, plus multinationale, plus pragmatique. Ses propositions sont largement confortées par le récent rapport de la Commission 9/11, qui reproche à l’administration Bush d’avoir opposé au terrorisme une réponse essentiellement militaire, sans mettre en oeuvre des mesures politiques et économiques ambitieuses pour contrer l’extrémisme islamiste.

Les propositions de Kerry vont dans le bon sens. Mais Kerry doit être conscient qu’une politique étrangère américaine multilatérale visant à garantir la sécurité de l’Amérique suppose des institutions multilatérales qui fonctionnent, des alliés qui coopèrent et une politique au Moyen-Orient qui permette aux États-Unis d’apparaître au moins comme un messager de paix. À l’heure actuelle, il est clair que la mécanique de l’ONU est enrayée, que la bonne volonté et les possibilités pour les alliés d’apporter leur aide ne sont pas certaines, et que la politique américaine de désengagement au Moyen-Orient ne contribue guère à instaurer dans la région une paix durable.
La force de la position de Kerry est qu’il ramène les États-Unis sur la ligne internationale qui a donné de si bons résultats pendant les décennies de la guerre froide. La bataille contre l’extrémisme islamiste peut fort bien durer aussi longtemps. L’Amérique aura besoin d’alliés pour localiser les cellules terroristes à l’étranger.

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La méfiance à l’égard des États-Unis dans le monde musulman étant ce qu’elle est, l’ONU, si affaiblie qu’elle soit, peut contribuer à la reconstruction et ouvrir pour des millions d’enfants pauvres des écoles non religieuses concurrentes de ces madrasas islamistes qui forment des fanatiques suicidaires. La nécessité d’encourager la croissance économique dans des pays comme le Pakistan peut exiger de fortes réductions des subventions agricoles, et cela ne peut se faire sans l’aide de l’Europe. Et la pression exercée sur l’Égypte et sur l’Arabie saoudite pour qu’elles se démocratisent aura plus de chances de succès si elle n’émane pas seulement de Washington, mais aussi d’Ankara et de New Delhi, où les musulmans votent déjà librement.

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