Le curieux business de monsieur Thatcher

Publié le 30 août 2004 Lecture : 3 minutes.

C’est en pyjama que sir Mark Thatcher, fils d’un ancien Premier ministre britannique de renom, a été arrêté le 25 août, au Cap, par une unité d’élite de la police sud-africaine. Accusé d’avoir financé la tentative de coup d’État contre le président équatoguinéen Teodoro Obiang Nguema, en mars, il a été inculpé pour violation de la « loi sur l’assistance militaire à l’étranger » qui interdit toute participation à une activité mercenaire. Remis en liberté sous contrôle judiciaire, Mark Thatcher devra s’acquitter d’une caution de 2 millions de rands (246 000 euros) avant le 8 septembre. Assigné à résidence, il ne peut quitter l’Afrique du Sud.
Bien que l’intéressé nie toute implication dans cette aventure rocambolesque, ce n’est pas la première fois que le nom du fils de Margaret Thatcher est cité dans cette affaire. Dans une interview à Jeune Afrique/l’intelligent, le 1er août dernier, le président Obiang Nguema l’avait mentionné, parmi d’autres suspects : « La connexion entre le chef des mercenaires Simon Mann, détenu à Harare, l’homme d’affaires Élie Khalil, qui vit à Londres, et l’opposant Severo Moto, en exil à Madrid, est désormais établie. Restent les complices. Certains éléments semblent indiquer que […] Mark Thatcher ait pu être dans le coup. Tout comme un ancien ministre de Mme Thatcher, dont je préfère pour l’instant taire le nom. »

Ces soupçons semblent désormais partagés par la justice d’Afrique du Sud, pays où le prévenu vit depuis 1995. Fils de bonne famille qui aurait mal tourné, l’homme traîne une réputation sulfureuse. Lui et sa soeur jumelle, Carol, sont nés le 15 août 1953. D’une nature introvertie, Mark suit des études sans brio à Harrow avant de s’essayer à diverses professions. À 24 ans, il rêve de devenir pilote et monte une écurie automobile. Mais ce ne sont pas ses performances sportives qui font parler de lui. En 1982, il participe au rallye Paris- Dakar… et s’égare dans le désert ! Une disparition de six jours, qui conduira même la Dame de fer à verser des larmes en public.
Il a 26 ans quand sa mère s’installe au 10 Downing Street. Une fonction dont Mark tire profit pour relancer des affaires pas toujours florissantes. À l’occasion d’un voyage officiel de Margaret Thatcher dans les Émirats, il joue les entremetteurs entre le sultanat d’Oman et une firme britannique, qui se voit confier la construction d’une université. Également impliqué dans une affaire de ventes d’armes à l’Arabie saoudite en 1986, il est suspecté d’avoir touché une commission de 15 millions de dollars.

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Ses succès devenant trop voyants, Mark part pour les États-Unis où il épouse la riche héritière texane Diane Burgdorf, dont il aura deux enfants. « Mark est capable de vendre du sable aux Arabes et de la neige aux Esquimaux », dit de lui sa mère. Il se lance dans le commerce de voitures de sport et monte une société d’alarmes électroniques. Mais l’administration fiscale s’intéresse de près à ses affaires, et de nouveaux revers de fortune le contraignent à déménager. Il s’installe au Cap avec femme et enfants, dans une luxueuse villa du quartier de Constantia. Parmi ses voisins, il compte Earl Spencer, le frère de la princesse Diana, ainsi qu’un certain Simon Mann, ancien officier des SAS britanniques. Celui-ci est aujourd’hui jugé au Zimbabwe avec soixante-neuf autres prévenus pour avoir organisé le complot contre le régime de Malabo. Dans une interview au quotidien britannique The Telegraph le mois dernier, Mark Thatcher avait admis qu’il était l’ami de Simon Mann.
Alors que se tient, en Guinée équatoriale, le procès de dix-huit mercenaires complices de Mann, le Sud-Africain Nick du Toit, chef présumé du groupe, a admis le 25 août avoir rencontré Mark Thatcher en juillet 2003. « Nous avons parlé de choses purement commerciales, concernant la vente et l’achat d’hélicoptères, que Mark Thatcher désirait acquérir pour des projets miniers au Soudan », a-t-il indiqué au procureur, tout en précisant avoir été mis en contact avec Tchatcher par l’intermédiaire de Mann.

Reste à savoir pourquoi Mark Thatcher s’apprêtait à quitter l’Afrique du Sud pour les États-Unis. Selon la presse sud-africaine, l’homme avait pris ses dispositions. Il avait vendu ses quatre véhicules de luxe, mis sa maison en vente – au prix de 22 millions de rands (2,7 millions d’euros) – et réservé des billets d’avion sur un vol du 30 août, avec sa famille. C’est certainement l’une des questions que lui poseront les enquêteurs sud-africains lors de sa comparution, fixée au 25 novembre prochain.

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