La piste cubaine

La Maison Blanche autorise un laboratoire public américain à développer une molécule découverte par les chercheurs de La Havane.

Publié le 30 août 2004 Lecture : 3 minutes.

Il n’est pas si fréquent qu’un médicament mis au point par un pays du Sud aille vers le Nord. A fortiori quand ce pays s’appelle Cuba et se trouve sous embargo américain depuis plus de quarante ans. Les résultats enregistrés par les chercheurs de Fidel Castro viennent pourtant de convaincre les autorités de Washington.
« La politique ne doit pas interférer avec la santé de millions de malades du cancer », plaide David Hale, directeur de CancerVax, un laboratoire public américain qui vient d’obtenir de l’administration Bush l’autorisation de développer une molécule découverte par les Cubains. Basé en Californie, CancerVax a négocié pendant plus de trois ans pour persuader le gouvernement fédéral de la nécessité d’ouvrir une brèche dans les restrictions commerciales imposées à l’avant-dernier bastion communiste. « Nous avons été très impressionnés par la qualité et les capacités du secteur de la biotechnologie sur l’île », explique David Hale.
Les trois médicaments cubains que CancerVax entend étudier agissent sur le « facteur de croissance de l’épiderme », une protéine impliquée dans le développement et la propagation des tumeurs, qu’il s’agisse d’un cancer du poumon, du sein ou encore du côlon. Autrement dit, ces produits sont censés bloquer l’aggravation des cancers en activant le système immunitaire des malades de manière à ce qu’ils créent des anticorps capables de juguler cette protéine de croissance. Le patient ne guérit pas totalement, mais son espérance de vie est au moins allongée.
Aux termes du contrat signé le 13 juillet à La Havane, CancerVax devra verser 6 millions de dollars au laboratoire cubain de biotechnologies Cimab SA au cours des trois prochaines années. Si le produit est commercialisé, les Américains débourseront 35 millions de dollars supplémentaires. La Maison Blanche a insisté pour que le paiement se fasse en nature – nourriture et médicaments – et non en devises sonnantes et trébuchantes qui alimenteraient les caisses du régime castriste. D’autant que l’administration Bush vient de durcir sa politique à l’égard des immigrés cubains, notamment en ce qui concerne les transferts d’argent vers leur pays.
Ce n’est toutefois pas la première fois qu’un laboratoire étranger se penche sur les succès de la recherche médicale cubaine. En 1999, le géant pharmaceutique GlaxoSmithKline – qui n’était alors que Smith Kline Beecham – s’était intéressé à un vaccin contre la méningite B développé à Cuba.
Comment expliquer qu’un pays en développement soit à la pointe de la recherche médicale ? Fidel Castro a toujours montré un intérêt certain pour ce secteur. Dans les années 1990, il a investi 1 milliard de dollars pour développer un pôle scientifique parmi les plus modernes de la planète. La chute de l’Union soviétique et l’effondrement subséquent de l’économie cubaine n’ont pas dissuadé le Líder Maximo de continuer à privilégier le domaine de la santé. Quant aux chercheurs – au nombre de 10 000 selon les autorités de l’île -, ils ont pour la plupart été formés dans les pays satellites de l’URSS, voire en Europe. Et bien qu’ils touchent un salaire avoisinant les 25 dollars par mois, ils poursuivent leurs recherches sans relâche. Pour Castro, les médecins assurent un avenir radieux à la population cubaine, d’où la gratuité du système de santé et la forte proportion de praticiens – 1 pour 176 habitants à l’aube de l’an 2000. Résultat : les enfants cubains sont immunisés contre dix maladies grâce à des vaccins développés sur place tandis que l’espérance de vie est supérieure à 75 ans. C’est du moins ce qu’avançait Castro en 1998 devant l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui lui décerna à cette occasion la « Médaille d’or de la santé pour tous ». Il n’en reste pas moins que les pharmacies de La Havane sont aujourd’hui encore mal approvisionnées, que les Cubains âgés de plus de 7 ans sont privés de lait et que nombre d’entre eux mendient auprès des touristes de l’aspirine ou du savon. Cuba n’en est décidément pas à un paradoxe près…

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