Images d’ailleurs

Les télévisions occidentales sont très présentes dans les foyers possédant le câble et le satellite. En attendant les chaînes panafricaines.

Publié le 30 août 2004 Lecture : 5 minutes.

Le petit écran semble bouder le continent. Si certains pays ont vu fleurir des chaînes privées qui tentent, tant bien que mal, de survivre, l’état du secteur télévisuel africain prend des allures de morne plaine.
Hervé Bourges, président de l’Union internationale de la presse francophone (UIPF), prévenait déjà, lors du colloque international sur les médias en Afrique de Libreville en 2002, du changement inéluctable auquel le secteur est désormais confronté : « Le développement de la télévision africaine a pris du retard par rapport à celui des offres audiovisuelles d’autres continents. Dans le même temps, la diffusion par satellite sur l’Afrique a commencé à se développer, et dans les cinq ans qui viennent, des opérateurs francophones et anglophones couvriront l’ensemble des marchés africains par des offres commerciales ou gratuites grâce à des bouquets satellites en réception directe (petites paraboles). Dans toute l’Afrique subsaharienne, le besoin se ressent de chaînes africaines modernes, performantes, capables de produire des émissions in situ adaptées aux standards audiovisuels internationaux. » Deux ans plus tard, la demande est de plus en plus pressante, mais le souhait du président Bourges et de bien d’autres de voir apparaître sur le petit écran une chaîne panafricaine n’a pas été satisfait. Bien au contraire.
Même s’il y a eu plusieurs créations de chaînes privées ces deux dernières années, elles n’ont aucun moyen de concurrencer les offres venues du Nord. Un système de redevance qui ne fonctionne pas, du matériel obsolète, peu d’ingénieurs formés aux équipements envoyés par les télévisions du Nord, et une publicité insuffisante quand elle n’est pas inexistante. Quelques chaînes sortent du lot, à l’image de la privée béninoise LC2 internationale, qui a même décroché les droits de retransmission de la CAN jusqu’en 2008, ou de la publique sud-africaine SABC, qui fonctionne bien grâce à des revenus tirés à 75 % de la publicité.
Le recours aux programmes des chaînes du Nord est donc inévitable. Et la multiplication des paraboles, pour les foyers qui peuvent se l’offrir, augmente l’accès aux chaînes diffusées via le satellite comme TV5 Afrique, CNN, BBC World, Euronews. La révolution numérique a accentué l’internationalisation des programmes télévisuels, laissant les chaînes africaines sur le carreau.
Plus grave encore, les télévisions internationales qui s’étaient intéressées au continent subissent échec sur échec. CFI-TV, la chaîne française publique appartenant à TV5 qui diffusait en Afrique depuis 1998, s’est éteinte le 31 décembre 2003 dans l’indifférence (presque) totale, pour cause de « rationalisation de l’audiovisuel public extérieur français ». Ne subsiste plus que sa banque de programmes, CFI-Pro, dans laquelle les télés nationales peuvent piocher en fonction de leur budget, afin de se consacrer plutôt à la « coopération et l’assistance technique », a précisé Serge Adda, le président de TV5. MCM Africa, elle, s’est retirée du paysage audiovisuel en février de la même année. Le groupe MCM (Lagardère) l’a vendue à Trace Media TV en avril 2003, qui l’a renommée Trace TV en l’orientant vers les cultures urbaines, oubliant au passage l’existence de l’Afrique dans ses programmes. De son côté, Canal Horizons (filiale de la française Canal +) n’a pas résisté au piratage de ses décodeurs au Maghreb, même si l’entreprise reprend du poil de la bête au sud du Sahara, grâce aux nouvelles technologies qui permettent d’empêcher le détournement. De 90 000 abonnés aujourd’hui essentiellement basés en Afrique de l’Ouest, le bouquet souhaite passer à 110 000 en 2005. Quant à Khalifa TV, du nom de l’homme d’affaires algérien qui l’a créée en 2002, elle a suivi le groupe éponyme dans sa chute (dépôt de bilan en 2003).
De manière générale, dans les bouquets satellites aujourd’hui en Afrique, on ne trouve plus guère que l’américaine CNN, la britannique BBC World, l’européenne Euronews, l’arabe Al-Jazira, et la francophone TV5. Depuis le renouvellement de ses programmes en janvier 2003, TV5 est devenue une télévision à part entière, et plus seulement un « robinet à programmes » grappillés chez les chaînes nationales françaises, suisse, belge ou canadienne. Avec la diffusion de ses concurrentes sur les bouquets satellites africains, l’évolution était nécessaire, et l’apparition d’un journal télévisé africain propre à la chaîne offre un progrès notable alors que celle-ci souffle en 2004 ses vingt bougies. Plus de 167 millions de foyers reçoivent aujourd’hui TV5 dans 203 pays, dont 13 millions au Maghreb (soit 88,4 % d’augmentation en deux ans) et 10,8 millions en Afrique subsaharienne (soit presque 40 % de mieux qu’en 2002). Depuis que DSTv, le bouquet sud-africain qui inonde le continent, a décidé de diffuser la chaîne francophone en Afrique du Sud, TV5 est désormais disponible du Caire au Cap. Mais sa pénétration est paradoxalement plus faible qu’en Asie, où le fleuron de la francophonie est reçu par presque 30 millions de foyers. Bref, TV5, que l’on considère souvent comme une chaîne africaine, s’ouvre de plus en plus au monde.
Mais le bon vent qui souffle derrière elle pourrait tourner prochainement si la Chaîne française internationale d’information (CFII), que Jacques Chirac a appelée de ses voeux, voit le jour. Si, en effet, le projet passe les fourches Caudines de la Commission européenne qui étudie actuellement les conditions du partenariat public-privé entre le groupe France Télévisions et TF1, la chaîne sera d’abord diffusée en Afrique et en Europe (à l’exclusion de la France). Mais, avec un budget prévisionnel de 70 millions d’euros par an, l’avenir de cette chaîne, qui doit être la « voix de la France » à l’étranger, n’est pas assuré. Le 21 juillet, Michel Barnier, dont le ministère (des Affaires étrangères) est censé assumer une partie des dépenses, a annoncé le premier qu’il n’avait pas l’argent pour lancer la CII en 2005, date initialement prévue. De toute façon, même si elle risque d’intéresser au premier chef les pays africains francophones, CFII resterait une chaîne internationale.
La domination des chaînes non africaines dans les pays africains nuit certainement à la diversité culturelle. Nombreux sont les Africains à dénoncer le manque de programmes nationaux, ou, à tout le moins, régionaux. Les projets de création ne manquent pas, comme 9.9.99tv lancée, en test, au sommet de l’Union africaine à Syrte en février 2003, Africable, qui émettra prochainement depuis Bamako, et Hannibal TV, qui entamera la diffusion de ses programmes en novembre 2005. Ou encore le plan de développement de LC2 International. Mais, pour le moment, rien de vraiment ambitieux n’a atteint les petites lucarnes africaines.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires