Gnonnas Pedro

Publié le 30 août 2004 Lecture : 3 minutes.

C’est une des plus grandes voix de la salsa africaine qui sera inhumée le 4 septembre à Lokossa (dans le sud-ouest du Bénin). Après quarante ans d’une carrière musicale riche de seize 33 tours, dix 45 tours et cinq CD, le salsero béninois Gnonnas Pedro s’est en effet éteint à 61 ans le 12 août dans un hôpital de Cotonou. Souffrant d’un cancer de la vessie depuis un an, il avait déjà subi, en France, trois opérations infructueuses.
Né en 1943 à Cotonou, Gnonnas Pedro, de son vrai nom Pierre Kuassivi Gnonna Sossou, s’initie à la musique grâce à son père, Moïse Gnonna Sossou, qui était responsable d’une chorale. Deux de ses frères, Matthieu et Paul deviennent bassiste et saxophoniste, tandis que lui se révèle tour à tour guitariste, pianiste, chanteur… Musicien de génie, Gnossas Pedro révolutionne le genre musical continental au début des années 1960 avec son orchestre Los Panchos, qui emprunte beaucoup à la musique traditionnelle « agbadja » de sa région. L’artiste à la voix traînante impose son « groove » dès ses premiers tubes : « Mon complet neuf », « Faux témoignage », « Djédjé vigné ».
En 1964, Pedro – tout le monde l’appelle désormais ainsi – enregistre un 45 tours avec son idole, le Français Charles Aznavour. Le producteur Eddie Barclay tombe sous le charme de cette voix venue d’ailleurs et, quelques mois plus tard, il produit un 33 tours qui fera le tour des capitales africaines et des salles françaises. Ce succès sera suivi, en 1977, du tube « Dagamasi ». La machine est lancée. « Akimon-gnonne Daga-matti », « Mimi Pinson » et « Les femmes d’abord », composée en 1984 à l’occasion de la promulgation de la Journée mondiale de la femme, restent dans la même veine. La jeunesse africaine, de Lomé à Dakar en passant par Douala, Conakry, Kinshasa et Bamako, adule le jeune prodige béninois. « Gnonnas Pedro, c’est toutes nos nuits au campus universitaire de Dakar, dit le Sénégalais Samba Seck. Pour frimer, il fallait savoir imiter ses chiqués et avoir quelque part dans ses placards ses dernières cassettes. »
Après un séjour à La Havane, Pedro élargit son répertoire latino-cubain et lance ce qui s’appellera plus tard l’African-salsa. Une musique qui n’est que « la rumba congolaise et le high life ghanéen déportés par les esclaves aux Caraïbes », avait coutume de dire celui qui aimait y mêler le français, l’espagnol, l’adja, le mina et le fon. Les sons syncrétiques de « Von o von non », « Yri yri boum », « La musica en vérité », « Irma koï koï » ont longtemps empli les nuits africaines.
En 1994, Ibrahima Sylla, directeur de la maison de disques Next Music, crée l’orchestre panafricain Africando avec l’aide du musicien malien Boncana Maïga. Celui-ci fera appel à Pedro, qui le rejoint en 1996. Le célèbre groupe enchaîne les succès avec « Gombo Salsa », « Doni Doni », et l’album Martina, dont le titre phare « Lindas africanas » flatte la beauté noire.
C’est à Aulnay-sous-Bois, en France, que le 21 juin dernier, à l’occasion de la Fête de la musique, Pedro monte sur scène pour la dernière fois. Il est à la veille de sa troisième opération chirurgicale, mais nul ne se doute alors que c’est son ultime prestation. « À aucun moment on a senti qu’il était malade, dit Jean-Baptiste, un jeune Togolais. Sous les applaudissements du public, il enchaînait chants et pas de danse. Sa mort est plus qu’une disparition. Sa chanson « Von o von non » [« Ils ont peur de moi », en mina] est l’hymne national de notre équipe de football. »
Syllart Productions, sa maison de disques, projette d’organiser un gigantesque concert à Cotonou. Les recettes seront versées à la famille de l’artiste. Deux des sept enfants de Gnonnas Pedro, Kuami Mensah et Gilles Gnonnas, suivent les pas de leur père dans la musique. Ils espèrent maintenir la flamme. En attendant, la plupart des succès du salsero sont aujourd’hui repris par Africando. Les opus déjà achevés seront produits en CD, afin de « sauver le patrimoine grandiose que laisse l’enfant de Lokossa », confie Wally Timera de Syllart Productions.

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