Entre hébreu et amharique

Le groupe Idan Reichel Project séduit la jeunesse israélienne avec des rythmes d’origine éthiopienne et des textes religieux.

Publié le 30 août 2004 Lecture : 3 minutes.

Arrivée à l’aéroport Ben-Gourion de Tel-Aviv, un après-midi chaud et ensoleillé du mois de juin. L’accueil est nettement plus glacial : mon passeport est bardé de tampons de pays « arabes ». Les trois jeunes soldats qui m’entourent aboient leurs questions, l’air maussade et soupçonneux.
De bonne foi, j’ouvre mon carnet, où j’ai méticuleusement noté le numéro de téléphone de l’amie qui m’héberge à Jérusalem. Soudain, c’est l’illumination. Les jeunes gens me regardent d’un autre oeil. Sous le numéro de téléphone, j’ai écrit à la va-vite « Idan Reichel Project ». Ce n’est pas un code secret, ni une incantation, mais le mot magique qu’il fallait pour dérider mes interrogateurs et les convaincre de me libérer avec le sourire. Idan Reichel Project, c’est le nom du groupe à la mode qui envoûte la jeunesse israélienne et déplace les foules pour ses concerts.
Idan Reichel est en fait le patronyme d’un jeune Israélien de 25 ans, calme et réservé, qui cache ses dreadlocks dans de grands turbans et affiche un look très oriental. Pianiste, passionné de musique ethnique, il a créé un concept. Un « projet ». The Idan Reichel Project. Le résultat est surprenant et original : une fusion entre la musique pop et traditionnelle éthiopienne, entre le rythme des tambours tribaux et les arrangements électroniques. L’ensemble est assez « lounge », reposant et « destressant ». « Bo’ee » (« Viens »), le hit du printemps dernier, passé en boucle sur les ondes, est une chanson douce, sorte de berceuse électronique. Les paroles, chantées en hébreu et en amharique, sont parfois inspirées par la Bible.
Dans « Un temps pour vivre, un temps pour mourir », Idan a choisi un passage du chapitre III de l’Ecclésiaste, traduit en amharique et récité par l’Éthiopienne Mimi Yosef. Dans un autre morceau, « Hinekh Yafah », il a fait appel au Cantique des cantiques, et l’album commence avec une prière traditionnelle éthiopienne pour la nouvelle année.
Idan a écrit la plupart des musiques, des paroles et il chante sur « Hinekh Yafah ». Il a rencontré les autres membres du groupe par hasard, comme Mimi Yosef, jeune femme de 22 ans d’origine éthiopienne qui travaillait dans une station-service tout près de chez lui. Elle illumine l’album de sa voix claire, notamment sur le tube « Bo’ee », dans lequel elle lit une lettre écrite à un amoureux sur le départ. Idan a rencontré Zena Adchanni à l’aéroport en attendant des amis. Cet Éthiopien, directeur du Théâtre éthiopien de Jérusalem, lui a ensuite présenté Sergio Brahms, musicien originaire de l’île de Curaçao qui chante sur « Brong Faya » et joue de la guitare électrique sur « Ayal ayale » (traditionnel éthiopien), et Zamanwit Zoë Gadmu, d’origine éthiopienne, qui chante également sur « Ayal ayale ».
La fusion a du bon. C’est la première fois que la musique et la culture des Falashas, ces Juifs éthiopiens qui sont aujourd’hui quelque 80 000 en Israël, trouvent un aussi large écho dans le pays. « Les Israéliens ont du mal à écouter de la musique éthiopienne. Mais emballée à l’israélienne, elle est beaucoup plus accessible », explique Idan.
L’aventure commence dans la chambre d’Idan. Après avoir fait son armée, il bidouille des sons sur ordinateur, envoie une démo de quatre morceaux au producteur Guy Gidor d’Helicon Records. Ce dernier perçoit le potentiel, demande des morceaux supplémentaires et envoie le tout à Londres. En décembre dernier, l’album The Idan Reichel Project sort en Israël. Immédiatement, le premier single s’arrache. En février, l’album s’est déjà vendu à plus de 25 000 exemplaires. Il est aujourd’hui plusieurs fois disque de platine. En Israël, il semblerait donc que The Idan Reichel Project fasse l’unanimité. Pour ceux qui comptent voyager dans le pays ces prochains mois, retenez ce nom, ça peut servir.

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