Des publicitaires rétifs

Publié le 31 août 2004 Lecture : 3 minutes.

Dans les grandes villes du Maghreb, les paraboles défigurent les façades comme autant de boutons d’acné sur le visage d’un adolescent. C’est le prix à payer, dans les pays où le marché du multimédia est encore immature, pour disposer d’un choix télévisuel qui s’étend de l’américaine CNN à la chaîne qatarie Al-Jazira, en passant par la française TF1. Plus de la moitié des ménages d’Algérie, du Maroc et de Tunisie sont aujourd’hui équipés de moyens de réception des chaînes diffusées via satellites.
Et ils sont loin de bouder les chaînes de l’ancienne puissance coloniale. Vingt et un millions de Maghrébins les regardent chaque jour selon une étude récente de l’agence tunisienne Sigma Conseil. Même si les généralistes sont les plus prisées, les « thématiques » ne sont pas complètement ignorées, avec un taux de pénétration estimé à 4 % pour l’ensemble de la région.
Ce sont les Algériens qui consomment le plus de télé française : 46 % de la population, soit 14,8 millions de personnes, la regardent quotidiennement, via le satellite Telecom 2C. Et ils la regardent longtemps – la moitié du temps passé devant le petit écran. TF1 remporte le plus de succès, talonnée par une autre chaîne privée, M6. Le service public hexagonal, avec France 2, arrive en troisième position. Palmarès identique en Tunisie, où le même satellite est la source principale de réception des chaînes françaises. À cette différence près : les antennes paraboliques y sont plutôt dirigées vers Arabsat ou Nilesat, qui diffusent des chaînes arabes. Autrement dit, les programmes français subissent de plein fouet la concurrence des chaînes orientales, et leur taux de pénétration plafonne à 17 %.
Au Maroc, où leur part d’audience représente 10 %, c’est le satellite Hotbird qui retransmet les programmes. Les Marocains ont une préférence pour ceux de TV5, suivis par ceux de TF1 puis de M6. Le décalage horaire avec la France (une heure en moins) explique en partie la prédilection pour la chaîne internationale francophone.
Quoi qu’il en soit, ce sont les programmes du prime time – entre 19 heures et 22 h 30 – qui attirent le plus de téléspectateurs, que ce soit au Maroc, en Algérie ou en Tunisie.
Pour Sigma Conseil, le potentiel représenté par le public maghrébin constitue pour les annonceurs une manne énorme, mais inexploitée. L’étude révèle en effet que les amateurs de télé française font partie des couches aisées et jeunes de la population. Exception faite de l’Algérie, où « les chaînes françaises sont considérées comme les leurs » par l’ensemble des habitants et où l’auditoire est bien plus large.
Dans une région qui compte quelque 75 millions de consommateurs et qui peut se targuer d’une économie à forte croissance (+ 5 % par an), Sigma Conseil s’étonne que les annonceurs ne soient pas plus offensifs. Ils ont néanmoins déjà investi près de 104 millions d’euros dans les spots publicitaires pour l’année 2003. Le petit écran marocain, surtout, est ciblé par les annonceurs, avec une dépense totale de 75 millions d’euros. Il est vrai que le royaume a dix ans d’avance sur ses voisins maghrébins : la publicité y a été autorisée dès 1978. Un marché suffisamment mûr pour recevoir 72 % des investissements publicitaires des multinationales en 2003. Premiers investisseurs : le secteur des télécoms, talonné par les cosmétiques, les détergents et l’agroalimentaire.
Si Sigma Conseil critique sévèrement la communication des multinationales, lesquelles considèrent souvent le Maghreb « comme un appendice du Moyen-Orient arabe », elle insiste sur « la proximité linguistique et culturelle » qui devrait séduire les annonceurs français. Peut-être leur stratégie sera-t-elle plus agressive quand les Maghrébins passeront davantage de temps devant leur poste de télévision ? Actuellement, la durée d’audience moyenne pour la zone est de cent cinquante-deux minutes par jour, presque une heure de moins qu’en Europe.

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