Des journaux en quête de lecteurs et d’annonceurs

Depuis l’instauration du multipartisme dans les années 1990, l’Afrique voit naître chaque mois de nouvelles publications privées. Mais beaucoup ont une durée de vie éphémère faute de ressources financières suffisantes.

Publié le 30 août 2004 Lecture : 3 minutes.

Dernier-né de la presse écrite africaine en août, Le Journal réussira-t-il à s’installer durablement dans le paysage médiatique du Sénégal ? C’est tout le succès que l’on peut souhaiter aux promoteurs de ce quotidien qui se veut « un prolongement du combat pour la liberté d’expression, la démocratie et la pluralité des idées ». Chaque mois, l’Afrique accueille de nouvelles publications portées par l’ambition de journalistes, de politiques, de grands patrons qui souhaitent faire avancer les débats locaux et internationaux, ou plus simplement leurs idées. Mais beaucoup n’existent que le temps d’une ou deux parutions, d’autres sont contraints à une bataille acharnée pour la survie financière. La presse écrite est le plus vieux média du continent. Elle a été introduite par le colonisateur. La Cap Town Gazette (1800) suivie de la Sierra Leone Gazette (1801) furent les premiers journaux d’Afrique subsaharienne.
« Cent soixante ans plus tard, dans l’illusion des indépendances obtenues, les États, au nom du développement national affirmé comme priorité et du consensus nécessaire pour le réaliser, ont pendant trente ans dirigé l’information », explique le spécialiste des médias du Sud André-Jean Tudesq dans Feuilles d’Afrique (*). L’avènement du multipartisme, dans les années 1990, a changé la donne. La presse actuelle présente une diversité d’intérêts et d’opinions. Les journaux gouvernementaux subissent la concurrence des journaux de l’opposition. Au Cameroun, par exemple, Le Messager contrebalance le Cameroon Tribune, qui reflète le point de vue du pouvoir en place. À côté des médias d’opinion, il existe des journaux qui cherchent exclusivement le profit commercial, une véritable presse à scandale. Ce qui entraîne souvent des dérives en matière d’information…
L’Afrique subsaharienne accueille plusieurs types de presse depuis les grands groupes, essentiellement basés en région anglophone, jusqu’aux publications artisanales, de périodicité irrégulière, représentant l’activité annexe d’une action politique, syndicale ou religieuse. Longtemps sous l’étroite dépendance de l’État, la presse – qui avait son financement assuré – est aujourd’hui à la recherche de son viatique. Et la concurrence des médias audiovisuels, l’analphabétisme, la diversité des langues locales, la mauvaise qualité des infrastructures de communication et des services de distribution, ainsi que la faiblesse des revenus ne facilitent pas l’activité économique des journaux. Au Mali et en Côte d’Ivoire, le prix d’un quotidien (de 150 à 300 F CFA) représente le coût d’un repas. Dans un contexte aussi fragile, le paiement régulier des frais d’imprimeur, des charges salariales et logistiques est un véritable casse-tête pour les patrons de presse.
Peu d’aides publiques sont distribuées aux journaux africains, hormis aux quotidiens d’État. La presse écrite tire ses ressources des abonnements (environ 10 %), de la vente au numéro, des publi-reportages, de la publicité et des petites annonces. Selon une étude récente sur l’économie des médias africains du Groupe de recherche et d’échanges technologiques (Gret), une ONG basée à Paris, le prix des quotidiens est moins élevé en zone anglophone que francophone, ce qui peut expliquer la différence de pénétration des titres (lire encadré ci-dessous).
C’est aussi en Afrique anglophone que l’on trouve les plus gros tirages, notamment au Nigeria et en Afrique du Sud. Dans ce dernier pays, la fin de l’apartheid a marqué un revirement du secteur de la presse. La politique intéresse beaucoup moins les lecteurs, plus friands de sujets people. Le Daily Sun, lancé l’année dernière, est aujourd’hui le quotidien le plus lu du pays (235 000 exemplaires). Le tabloïd sud-africain se concentre sur la vie des townships, avec des unes sensationnalistes, ayant pour modèle le Sun britannique. En Afrique francophone, le tirage de la plupart des quotidiens ne dépasse pas quelques dizaines de milliers d’exemplaires. Dans les deux Congos, les ventes d’hebdomadaires atteignent au maximum 2 500 exemplaires par numéro.
L’Institut Panos Afrique de l’Ouest, une ONG spécialisée dans l’appui aux médias continentaux, comptabilise 132 publications au Nigeria (chiffre le plus élevé en Afrique de l’Ouest), suivi du Bénin (66), du Ghana (48) et du Sénégal (36). La presse magazine n’est pas encore très développée. On dénombre 51 périodiques au Nigeria et 10 au Sénégal, les deux pays qui en comptent le plus en Afrique de l’Ouest. Ceux qui se vendent le mieux sont les titres de presse féminine ou sportive. Dans le domaine agricole, le mensuel La Voix du paysan au Cameroun, qui tire à 17 000 exemplaires, a réussi à s’imposer comme le grand défenseur des intérêts des producteurs camerounais et de la sous-région.

* Feuilles d’Afrique, André-Jean Tudesq, Éditions de la Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine, Talence, 1995.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires