André Milongo: « Tous les opposants en exil doivent rentrer »

Publié le 30 août 2004 Lecture : 4 minutes.

Agé de 69 ans et père de sept enfants, André Milongo est originaire de la région du Pool. Diplômé de l’École nationale d’administration, en France, il a été le premier trésorier-payeur général du Congo après l’indépendance, occupant ce poste jusqu’en 1969, avant de travailler à la Banque africaine de développement (BAD), puis à la Banque mondiale aux États-Unis jusqu’en 1980. De retour au pays, il assume la fonction de Premier ministre de juin 1991 à août 1992 à l’issue de la Conférence nationale qui devait convertir le régime marxiste en démocratie. En 1993, il devient président de l’Assemblée nationale. Un poste qu’il occupe jusqu’en 1997, date du début de la guerre civile entre les partisans de Denis Sassou Nguesso et de Pascal Lissouba. André Milongo a été réélu député de Boko (district du Pool) en 2002.

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André MILONGO : La plupart des régions du pays sont pacifiées après des années de guerre civile. Mais la paix est très fragile. Le Pool est encore contrôlé par un rebelle, le pasteur Ntoumi – Frédéric Bitsangou de son vrai nom. L’autorité de l’État n’y est rétablie que dans quatre districts sur treize. Et les négociations entre le gouvernement et le pasteur Ntoumi avancent péniblement.

JAI: Pensez-vous que Bernard Kolélas et Pascal Lissouba doivent rentrer au pays ?

AM: Bernard Kolélas et Pascal Lissouba, ainsi que les autres opposants en exil, doivent rentrer pour que la réconciliation des Congolais soit totale. Le président Sassou Nguesso a raté une occasion lors du Dialogue national sans exclusive en 2001. Mais il n’est pas trop tard.

JAI: Vous entretenez-vous régulièrement avec eux ?
AM:Je n’ai plus de contacts avec eux depuis 2001. Ils délaissent leurs partis qui ne sont plus vraiment actifs au Congo. C’est dommage pour l’opposition.

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JAI: Dans quel état se trouve l’opposition congolaise ?

AM: Elle manque de moyens. La Constitution prévoit que les partis politiques bénéficient de fonds publics. Or, jusqu’à présent, aucune loi sur le financement des partis politiques n’a été adoptée. Nous rencontrons également des problèmes de censure dans les médias publics. Je refuse, hormis en direct, de parler à la radio nationale, car certains passages de mes interviews ont souvent été coupés par le passé.

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JAI: L’opposition pourrait-elle présenter un candidat unique à l’élection présidentielle de 2009 ?

AM: L’opposition peut s’organiser pour proposer une alternative au régime actuel. Notre parti, l’UDR-Mwinda (Union pour la démocratie de la République), ne manque pas de candidats pour aller à la bataille. Nous n’excluons pas, non plus, de soutenir un autre candidat de l’opposition.

JAI: Quels sont vos rapports avec la France ?

AM: La France ne m’apprécie guère, car elle a toujours été persuadée que j’allais chasser ses compagnies pétrolières du Congo. Après un passage à la Banque mondiale, j’ai assumé la fonction de Premier ministre de 1991 à 1992. Je voyais régulièrement Le Floch-Prigent et Tarallo [NDLR : respectivement ancien PDG et responsable Afrique d’Elf]. Ils ne pouvaient accepter l’idée que je m’immisce dans les affaires d’Elf en commandant un audit de leurs activités. En novembre 1991, j’ai même rencontré le président Mitterrand. Je lui ai dit que je n’étais pas antifrançais, que j’avais suivi les cours de l’École nationale d’administration. Je voulais juste que mon pays profite pleinement des retombées des revenus pétroliers. Mitterrand m’a fait alors une réponse sibylline : ne regardez pas derrière, allez de l’avant. À l’époque, je n’avais pas compris. Cela signifiait : ne faites pas d’audit, mais préparez l’avenir.

JAI: En tant que député et ancien Premier ministre, quel bilan tirez-vous de l’action gouvernementale en matière d’économie ?

AM: Le Congo ne vit que de produits primaires, le pétrole et le bois. Nous importons annuellement pour plus de 100 milliards de F CFA d’aliments. Quand on évoque la croissance congolaise, cela signifie que l’on extrait plus de bois ou de pétrole, ou bien que les cours de ces produits ont progressé. L’économie nationale est atone et ne permet pas de résoudre les besoins de base des populations, à savoir l’accès à la santé, à l’éducation et à la nourriture. L’État vient d’organiser de grandes fêtes à Pointe-Noire pour le 44e anniversaire de l’indépendance du pays. Était-ce prioritaire pour les Congolais ?

JAI: L’annulation de la dette du pays permettrait de faire beaucoup plus en matière de santé et d’éducation…

AM: À condition que le gouvernement sache bien utiliser cette manne financière pour le développement du pays. En est-il capable ? On préfère construire des aéroports et organiser de grands événements sportifs et culturels… Et puis la corruption est très forte dans notre pays. Ceux qui tiennent les cordons de la bourse sont extrêmement riches. J’ai commencé ma carrière comme trésorier général dans la fonction publique. Je ne pouvais pas m’acheter les véhicules qu’ils ont aujourd’hui.

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