Médaille de bronze !

Le produit intérieur brut vient de dépasser celui de l’Allemagne. En attendant mieux.

Publié le 30 juillet 2007 Lecture : 4 minutes.

Ca y est ! La Chine a dépassé l’Allemagne en ce mois de juillet et devient la troisième économie mondiale, derrière les États-Unis et le Japon. En 2005, elle avait déjà doublé la France et le Royaume-Uni.
En 2007, son produit intérieur brut (3 100 milliards de dollars) sera supérieur à celui de l’Allemagne d’environ 100 milliards de dollars. Certes, celle-ci demeure le premier exportateur mondial avec un excédent de 234 milliards sur douze mois, mais la Chine la talonne avec 229 milliards.
Il faut dire que la locomotive chinoise n’est pas loin de l’excès de vitesse, avec un produit intérieur brut qui a progressé de 11,9 % au deuxième trimestre de cette année, quand celui de l’Allemagne – pourtant en grande forme – augmentait d’un peu plus de 3 %.

Pas de doute, la Chine est en train de retrouver son rang. N’était-elle pas sensiblement plus riche que l’Europe occidentale il y a mille ans ? Cette progression inexorable suscite un trouble que Napoléon, le premier sans doute, avait pressenti : « Quand la Chine s’éveillera, disait-il, le monde tremblera. » Les pessimistes font remarquer, à juste titre, que ce pays-continent est encore loin de faire profiter son 1,3 milliard d’habitants des bienfaits de sa croissance phénoménale. La troisième économie du monde est à la traîne dans bien des domaines. Elle n’apparaît, par exemple, qu’à la 81e place dans l’indicateur de développement humain des Nations unies et à la 129e pour la richesse par habitant.
Les critiques soulignent que, dans ces conditions, il est inévitable que les jacqueries s’y multiplient dans les zones rurales délaissées par les pouvoirs publics – quand elles ne sont pas mises en coupe réglée par des potentats communistes locaux ! En 2005, Pékin a recensé 80 000 « incidents », euphémisme désignant une manifestation de mécontentement. Depuis l’an dernier, il arrive que ces troubles tournent à la prise d’otages.
Dans la cohorte nombreuse de ceux que le réveil chinois fait « trembler », les Américains figurent en première ligne : leur déficit commercial avec ce qu’il est désormais convenu d’appeler « l’usine du monde » a atteint l’an dernier 230 milliards de dollars – et ce n’est sans doute pas fini. Mais les Européens ne sont guère mieux lotis et pourraient bien enregistrer un déficit de 170 milliards d’euros. La Chine inonde en effet le Vieux Continent d’un énorme bric-à-brac de jouets, de portables, d’ustensiles ménagers et de textiles en tout genre.
Avec des coûts de main-d’uvre les plus faibles au monde, la Chine fait des dégâts dans l’emploi des pays industrialisés, mais aussi dans les fragiles économies en développement d’Afrique. Le 1er janvier 2005, lorsque les barrières douanières qui les protégeaient ont disparu, Maurice, Madagascar, le Maroc ou la Tunisie ont vu leurs emplois et leur chiffre d’affaires dans le textile s’effondrer.

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Et puis, il y a cette surchauffe économique, que Pékin n’arrive pas à contrôler et dont les institutions internationales – Banque mondiale, Fonds monétaire international ou OCDE – ne cessent de dénoncer les dangers. Le gouvernement chinois hésite à casser une croissance qui lui permet de contenir les revendications sociales et politiques. Du coup, les hausses des taux d’intérêt, les réévaluations du yuan, les augmentations des réserves obligatoires des banques, les tours de vis donnés à la Bourse ou aux importations sont trop timides et/ou tardifs : la machine continue de s’emballer, les investissements affluent trop vite (+ 25,9 % en un an) et l’inflation commence à déraper (+ 4,4 %). Si les responsables, à Pékin, ne parviennent pas dans les deux ans à refroidir le moteur, les experts redoutent une sévère correction. La Chine pourrait alors finir dans le décor. Et le monde entier avec elle.
Mais les prouesses chinoises sont aussi une chance pour la planète. Ce sont elles qui valent au monde une croissance forte (5 %) et de longue durée (déjà presque cinq ans). En achetant des matières premières à profusion et des technologies dans quasiment tous les pays, la Chine diffuse de l’investissement et du pouvoir d’achat. Elle contribue au miracle d’une croissance mondiale sans inflation, puisqu’elle tire les prix vers le bas avec ses produits de grande consommation, et augmente ainsi le pouvoir d’achat des populations les plus pauvres.
Pas une région qui ne soit redevable à la Chine de quelques avantages. Les États-Unis, qui la vouent aux gémonies en raison des déficits qu’ils accumulent à cause d’elle, sont bien contents qu’elle contribue à la solidité du dollar en achetant des bons du Trésor américains à tour de bras grâce à ses vertigineuses réserves de devises (plus de 1 300 milliards de dollars). Les Européens peuvent quant à eux se féliciter que le développement à marche forcée de la Chine leur évite une marée d’immigrants beaucoup plus importante que celle venue du sud de la Méditerranée.
L’Afrique, enfin, a l’occasion de mettre les Occidentaux en concurrence avec un acheteur et un vendeur de belle stature. La Chine n’achète-t-elle pas la moitié du coton ouest-africain ? N’a-t-elle pas contribué à l’envolée des cours du cuivre zambien, du pétrole algérien, du coltan congolais, du charbon sud-africain, de l’uranium nigérien ou des phosphates marocains ? Ne prête-t-elle pas des dizaines de millions de dollars sans conditions ? Ne construit-elle pas des voies ferrées, des logements et des usines ? Ne vend-elle pas des motos et des vélos plus robustes et moins chers que ceux venus du Nord ?
Finalement, la Chine s’est réveillée, elle revendiquera bientôt la première place, et personne ne devrait s’en plaindre. Son énergie a permis de suppléer un Japon léthargique depuis quinze ans, une Europe languissante depuis sept ans et une Amérique au bord de la dépression depuis un an. Elle est le symbole d’un monde multipolaire, plus apaisé et stable qu’un univers dominé par un seul système économique et politique.
Elle annonce l’arrivée d’un autre colosse économique. Avec son milliard d’habitants, ses ingénieurs et ses entrepreneurs haut de gamme, l’Inde, elle aussi, va faire peur. Mais elle donnera surtout un coup de fouet et un sérieux coup de jeune à la planète.

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