Le temps des promesses

À l’occasion du cinquantième anniversaire de la République et en attendant les célébrations des vingt ans de son accession au pouvoir en novembre prochain, le président Ben Ali annonce d’importants changements. À suivre.

Publié le 30 juillet 2007 Lecture : 3 minutes.

Pour la célébration du cinquantième anniversaire de la proclamation de la République tunisienne, le 25 juillet, certains s’attendaient à ce que le président Zine el-Abidine Ben Ali annonce des mesures concrètes afin de franchir une nouvelle étape dans le développement politique de la Tunisie. Attendues depuis l’an dernier, lorsque, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance, le chef de l’État avait lancé une consultation – toujours en cours – des partis et des associations en vue de réformer les institutions politiques et les libertés du pays, elles seront finalement en grande partie dévoilées le 7 novembre prochain, à l’occasion du vingtième anniversaire du « Changement » qui vit Zine el-Abidine Ben Ali succéder à feu Habib Bourguiba.
Dans son discours du 25 juillet au palais présidentiel de Carthage, Ben Ali a tout de même confirmé les gestes d’apaisement qu’il a faits ces derniers mois en direction de la société civile. Un dialogue qualifié de sérieux est, en effet, en cours avec la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme (LTDH) pour trouver un modus vivendi lui permettant de jouer son rôle. Le gouvernement a par ailleurs pris langue avec le nouveau bâtonnier élu début juillet, Béchir Essid, réputé être un opposant radical. Le 23 juillet enfin, Ben Ali a gracié plus d’une vingtaine de détenus politiques, avant de procéder à la libération conditionnelle – tout à fait inattendue, même si le président français Nicolas Sarkozy avait évoqué son cas le 10 juillet lors de sa venue à Tunis – de Mohamed Abbou, un avocat très actif dans la défense des droits de l’homme. Il était emprisonné depuis vingt-huit mois, accusé d’avoir tenu des propos diffamatoires à l’égard des autorités sur un site Internet.

Dans des termes qu’il n’avait jamais utilisés auparavant, Ben Ali a rappelé que la République « signifie la pluralité des partis politiques, des associations et des diverses composantes de la société civile ». Plus précis encore, il a ajouté que cela implique « la pluralité intellectuelle et la diversité des opinions ». L’apparition du salafisme armé dans le pays fin 2006, qui s’est traduite par des affrontements entre les forces de l’ordre et des éléments armés venus d’Algérie, a démontré que le seul traitement sécuritaire de la société ne suffisait plus et que la pluralité politique limitée aux sept partis politiques du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), l’ex-parti unique au pouvoir depuis l’indépendance, a vécu. « Les partis politiques et les organisations de la société civile ont un rôle essentiel dans le développement du civisme et l’enracinement des valeurs républicaines chez les jeunes », a déclaré Ben Ali. « Nous avons confiance dans le peuple, qui a opté pour le système républicain. Nous sommes sûrs qu’il veillera à le protéger et à le perpétuer », a-t-il ajouté.
Côté médias, le président a annoncé vouloir « ouvrir la voie aux opinions divergentes », rappelant au passage aux journalistes qu’ils devaient « oser » prendre « davantage d’initiatives » et faire preuve d’audace dans leur métier.
Reste que les plus sceptiques doutent que ce discours soit suivi d’effets. Peu de monde était présent aux nombreuses conférences organisées par le pouvoir et les partis d’opposition pour discuter de la réforme de la République. Le Forum démocratique pour le travail et les libertés et le Parti démocratique progressiste, deux formations légales, ont pourtant à cette occasion réclamé l’instauration d’une IIe République, idée jusque-là formellement écartée par Ben Ali
L’actuelle Constitution établit un régime présidentiel fort et a été amendée à plusieurs reprises sur des sujets comme les droits de l’homme, le pluralisme, mais aussi les mandats présidentiels. Pour l’opposition, une nouvelle Constitution devrait établir une séparation plus nette entre les pouvoirs et renforcer l’indépendance du Conseil constitutionnel, qui veillerait à la conformité des lois avec les grandes valeurs de la République. Plus forte que jamais, la confusion actuelle entre l’État et le RCD perpétue l’idée d’une pensée unique avec laquelle Ben Ali a pourtant explicitement pris de la distance dans son discours du 25 juillet.
Faut-il pour autant en conclure que le chef de l’État est en train de changer ? Certains de ses propos prononcés lors du cinquantième anniversaire de la proclamation de la République semblent montrer qu’il a pris conscience de la nécessité de joindre la parole aux actes et que, lui-même, évolue. « La vision que nous avons du changement est une vision sans cesse renouvelée, qui procède de notre attachement profond à assurer la sauvegarde des acquis de la République », a-t-il notamment déclaré. Reste à savoir si cela suffira pour mettre en uvre ses projets, tant il est à parier qu’il devra composer avec un personnel politique majoritairement archaïque, rompu à la langue de bois et peu prompt à la remise en question…

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires