[Chronique] Mondial 2018 – Maroc : la VAR, la nouvelle arme anti-métèques
La scène de cinéma la plus authentiquement raciste que je connaisse ne contenait aucune injure, aucune moquerie déplacée, aucun défilé du Ku Klux Klan avec cagoules blanches et torches enflammées.
Mieux : elle n’était sans doute pas raciste dans l’esprit du scénariste, du réalisateur et de l’acteur principal. Ils auraient été bien étonnés si on le leur avait démontré.
Cela se passait dans un Indiana Jones, je ne me souviens plus duquel. Le héros éponyme, interprété par Harrison Ford, se trouve dans un souk, quelque part dans le vaste monde arabo-islamique, qui ne forme qu’un seul ensemble indifférencié pour Hollywood. Soudain surgit un escogriffe armé d’un grand sabre, qui improvise une sorte de danse menaçante. Les jours d’Indiana Jones sont comptés.
Mais ce dernier ne semble pas inquiet. Après avoir considéré d’un air las et méprisant les gesticulations du rastaquouère, Indiana Jones l’abat d’un seul coup de pistolet. Puis il passe à autre chose. Si cette scène est profondément raciste, c’est parce qu’elle déshumanise l’adversaire de l’homme blanc. Il est réduit à sa danse ridicule et à son sabre inutile, il est tué en une seconde et on l’oublie aussitôt. Ni fleurs ni couronnes.
Et surtout, le « héros » ne semble avoir aucun scrupule à utiliser une arme moderne – son pistolet – contre un vieux sabre. Et c’est là où je voulais en venir : pour ceux qui ont conçu ce film, il est tout à fait normal que la technique serve à tuer le « bougnoule ». Elle a même été conçue pour cela. Hollywood, qui se targue d’être moral dans toutes sortes de questions qui n’intéressent que l’Amérique, est profondément immoral dès qu’il franchit la frontière.
Et maintenant, parlons football. La grande innovation de la Coupe du monde qui se déroule en ce moment en Russie est la VAR – l’assistance vidéo de l’arbitrage. C’est la nouvelle « arme » technique. On allait voir ce qu’on allait voir.
L’arbitre méritera bien le surnom de matamoros – « tueur de Maures »
Eh bien, on a vu. Comme c’est le cas depuis des siècles, la technique sert d’abord à tuer le métèque. C’en est caricatural. Cette VAR n’a été utilisée qu’à l’avantage des pays européens. Jamais elle n’a été utilisée à l’avantage des Tunisiens, des Sénégalais ou des Marocains. Le match Maroc-Espagne a constitué un exemple tellement flagrant qu’il faudra l’utiliser dans les cours de postcolonialisme. Gérard Piqué contrôle la balle de la main dans sa surface de réparation : c’est un penalty évident. Cinq joueurs marocains qui l’entourent lèvent aussitôt le bras pour le signaler – ils n’ont quand même pas eu le temps de se concerter ? D’ailleurs, tout le stade hurle et le défenseur espagnol lui-même a l’air coupable, comme le chat qui vient de faire pipi sur la moquette. Que fait l’arbitre ? Rien. La VAR n’existe pas.
En revanche, quand un Espagnol marque à la dernière seconde mais que l’arbitre de touche signale qu’il est hors jeu, l’arbitre de champ découvre soudain la VAR, montre sur l’écran l’orteil (je n’exagère pas) d’un joueur marocain qui semble dédouaner l’attaquant espagnol – et il décide de valider le but. Il méritera bien le surnom de matamoros – « tueur de Maures ».
Bon, d’accord, il n’y a pas eu mort d’homme. Mais trente millions de Marocains avaient la mort dans l’âme, ce soir-là. Leur belle équipe avait battu à la régulière les champions du monde 2010. Et puis Indiana Jones est arrivé avec son pistolet…
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