La France abolit les privilèges

Publié le 30 juillet 2007 Lecture : 3 minutes.

Pour tout un chacun, le 14 juillet 1789 symbolise la Révolution française. Rien de plus normal puisque cette date est devenue celle de la fête nationale. En prenant la Bastille, les Parisiens en colère n’ont pourtant fait que mettre à bas une place forte. Trois semaines plus tard, le 4 août, c’est une forteresse d’une tout autre dimension que l’Assemblée nationale abat. En décrétant l’abolition des privilèges, elle signe la fin d’un régime.
La France est en pleine ébullition depuis plusieurs mois. Face à la montée des mécontentements liés, en grande partie, à la grave crise financière que traverse le pays, le roi Louis XVI s’est résolu à convoquer les états généraux, sorte de parlement réunissant des représentants des trois ordres de la société féodale : la noblesse, le clergé, le tiers état, c’est-à-dire le peuple et, plus précisément, sa composante aisée, la bourgeoisie.
Sous la pression du tiers état, lesdits états généraux, dont les travaux se sont ouverts le 4 mai à Versailles, se transforment en Assemblée nationale, le 17 juin, puis en Assemblée constituante, le 9 juillet. Les changements ont été jusqu’alors conduits à l’initiative du peuple de Paris – la fameuse journée du 14 juillet ayant montré sa détermination. Mais l’agitation a gagné les campagnes. Un peu partout en province, des paysans prennent les armes. Tout en proclamant leur fidélité au roi, ils s’attaquent à ses intendants et à ses percepteurs. Mais c’est surtout contre les châteaux qu’ils se déchaînent : plusieurs centaines sont pillés et brûlés, notamment dans les régions entourant la capitale.

À Paris, l’Assemblée est divisée sur le moyen de rétablir l’ordre. Les représentants de la bourgeoisie sont partisans de la répression au nom des « droits sacrés » de la propriété. Paradoxalement, l’aristocratie préfère l’apaisement, car elle connaît mieux que quiconque la situation explosive des campagnes.
Le 4 août, en fin de séance, le vicomte de Noailles prend la parole pour défendre les revendications des paysans et suggère rien de moins que la suppression des droits féodaux. Le duc d’Aiguillon intervient à son tour : « Le peuple cherche à secouer enfin un joug qui depuis tant de siècles pèse sur sa tête », s’exclame ce richissime représentant de la noblesse. D’autres orateurs se succèdent, chacun s’exprimant dans le même sens. Et c’est ainsi que, pris d’euphorie, les membres de l’Assemblée nationale, toutes tendances confondues, votent l’abolition de tous les privilèges.

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Le 5 août au matin, on fait les comptes. Une trentaine d’articles ont été adoptés. Ils suppriment les pensions royales, la vénalité des charges, les immunités corporatives, les juridictions seigneuriales, etc. L’égalité devant l’impôt est instituée. Certains archaïsmes comme la corvée obligatoire et la dîme ecclésiastique, qui pesaient sur les épaules des seuls pauvres, disparaissent. Jamais la société française n’avait connu un tel bouleversement.
À l’issue de cette mémorable séance parlementaire, tous les citoyens deviennent égaux devant la loi. Une proclamation solennelle s’avère cependant nécessaire aux yeux de certains députés comme Mirabeau et Sieyès. Adoptée par l’Assemblée le 26 août 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen aura un retentissement universel. Les députés français ont pourtant oublié nombre de droits fondamentaux comme le suffrage universel et l’égalité des sexes – les Françaises n’obtiendront le droit de vote qu’en 1944. Pis, on ne trouve dans la Déclaration nulle mention de l’esclavage. Celui-ci ne sera aboli qu’en février 1794, avant que Napoléon Ier ne le rétablisse en 1802. Il faudra attendre 1848 pour que cette monstruosité disparaisse (officiellement) des colonies françaises.
En ce mois d’août 1789, le chemin qui reste à parcourir pour atteindre la démocratie est encore bien long. Mais les Français ont lancé le mouvement. Il ne s’arrêtera plus.

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