Jean Suret-Canale

L’historien et géographe français est décédé le 26 juin à l’âge de 86 ans.

Publié le 30 juillet 2007 Lecture : 3 minutes.

Terrassé en mars 2007 par une attaque cardio-vasculaire, le professeur Jean Suret-Canale est décédé le 26 juin, et a été inhumé deux jours plus tard au cimetière de La Roquille, petite commune du sud-ouest de la France où il s’était retiré depuis sa retraite. En Afrique de l’Ouest, en particulier en Guinée, son nom est familier à beaucoup, par son engagement communiste et anticolonialiste, par ses écrits et par son enseignement.
Né à Paris en 1921, il fait de brillantes études au lycée Henri-IV, récompensées, en 1939, par le prix de géographie, qui offre des bourses de voyage au Bénin-Dahomey et en Indochine. En 1946, le jeune agrégé de géographie est envoyé au lycée Van Vollenhoven de Dakar, où il a pour élèves Diallo Telli et Keita Fodéba. Militant, il adhère aux Groupes d’études communistes, au Rassemblement démocratique africain et à l’Union des syndicats confédérés de Dakar ; ce qui lui vaut d’être expulsé vers la France.

Après le « non » de la Guinée au référendum de septembre 1958, il répond à l’appel du nouveau ministre guinéen de l’Éducation, Barry Diawadou, qui souhaite remplacer les enseignants que Paris a rappelés, et arrive en mars 1959 à Conakry. Il enseigne au lycée de Donka (son épouse Georgette au collège de jeunes filles), puis dirige l’Institut national de recherches et de documentation de Guinée (INRDG) et crée la revue Recherches africaines.
Après le « complot des enseignants » de 1961, il est nommé, en janvier 1962, directeur d’une École normale supérieure créée à Kindia. Mais Paris ne lui pardonne pas son départ en Guinée : l’Éducation nationale le radie des cadres et refuse de compter dans son ancienneté et sa retraite ses cinq années guinéennes. En 1962, il est menacé par une circulaire du Premier ministre Michel Debré d’être déchu, comme quelques autres compatriotes, de la nationalité française pour activités contraires aux intérêts de la France (finalement, seul Jean-Paul Alata subira cette sanction). Il trouve cependant que les conditions de vie et de travail en Guinée deviennent difficiles et revient en France comme attaché de recherches au CNRS de 1966 à 1974.

la suite après cette publicité

Faute de poste en France, il part en Algérie comme maître-assistant à l’université d’Oran de 1974 à 1978, et revient de 1978 à 1984 comme maître-assistant de géographie à l’université de Paris-VII. Membre du comité central du Parti communiste français de 1967 à 1972, il devient l’un des présidents de l’Afaspa (Association française d’amitié et de solidarité avec les peuples d’Afrique) en 1972. Il fut évidemment l’un des animateurs de l’Association d’amitié France-Guinée, que j’avais fondée à mon retour de Conakry, en 1980. Il resta indéfectiblement attaché à ce pays, bien qu’il ait très tôt commencé à se poser des questions.
Les écrits de Jean Suret-Canale sont nombreux et embrassent bien des sujets, du marxisme à la traite des Noirs, de la Mélanésie au Vietnam en passant par la Corée et Madagascar, sans oublier la Résistance en France et les Groupes d’études communistes. Son ouvrage La République de Guinée (Éditions sociales, 1970) continue à faire autorité. En 1960, la très critique Histoire de l’Afrique occidentale (reprise par Présence africaine en 1961) publiée avec l’historien guinéen Djibril Tamsir Niane suscite de l’émoi en France. Et puis, il y a sa monumentale Histoire de l’Afrique occidentale et centrale française, travail de synthèse empli d’archives de première main. Pourtant, Suret-Canale était plus géographe qu’historien !
Mais au-delà de la recherche, des livres et des engagements, Jean Suret-Canale était un homme affable, d’une grande simplicité et jusqu’à la fin d’une mémoire étonnante et précise. Le Club Ahmed-Sékou-Touré l’avait invité en septembre 2006 à sa réunion inaugurale de Bamako. C’est sa fille Claudine qui le représenta. Il était déjà trop malade pour venir une dernière fois sur le continent africain.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires