RDC : pourquoi le défilé militaire du 30 juin a finalement été annulé

Annoncé comme une démonstration de force dans un contexte de tensions avec les pays voisins, le défilé militaire, initialement prévu ce samedi, jour de la commémoration de l’indépendance de la RDC, est annulé à Kinshasa.

Joseph Kabila, président de la RDC, passe les troupes en revue, le 30 juin 2010, à Kinshasa. © Geert Vanden Wijngaert/AP/SIPA

Joseph Kabila, président de la RDC, passe les troupes en revue, le 30 juin 2010, à Kinshasa. © Geert Vanden Wijngaert/AP/SIPA

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Publié le 30 juin 2018 Lecture : 3 minutes.

« Le défilé prévu le 30 juin 2018 pour commémorer le 58ème anniversaire de l’accession de la RDC à la souveraineté nationale et internationale a été annulé et remplacé par une marche et des activités sportives. » Dans une correspondance datant du jeudi 28 juin, largement relayée vendredi sur les réseaux sociaux, le général major Gabriel Amisi Kumba, commandant de la première zone de défense de l’armée congolaise, en a ainsi informé le chef d’état-major des Forces armées de la RDC (FARDC).

La veille de l’annonce de cette annulation, c’est Jean-Jacques Wondo, chercheur congolais et expert des questions militaires, qui a révélé sur son blog les préparatifs de ce qui devait être, selon lui, un « grand défilé militaire de dissuasion ». « Il s’agit de lancer un message clair [aux pays voisins] que les FARDC, version 2018, n’est plus ce colosse aux pieds d’argiles qui nécessitaient le baby-sitting étranger ou un accompagnement régional », a-t-il expliqué. « Encore un mensonge » lui a rétorqué, sur Twitter, Jean-Pierre Kambila, directeur de cabinet adjoint du chef de l’État congolais.

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Mais quarante-huit heures plus tard, l’information de M. Wondo s’est avérée véridique : un défilé était bel et bien prévu puisque les autorités ont fait savoir qu’elles l’annulaient. « Nous savions exactement quel en était le format et quels types de matériels militaires allaient être exposés », soutient l’expert, contacté par Jeune Afrique. À l’en croire, les militaires congolais s’apprêtaient à défiler avec leurs « dernières acquisitions » et « démontrer principalement à l’Angola que le pays est prêt à riposter en cas d’une éventuelle attaque ».

Depuis les récents propos du président angolais João Lourenço et de son homologue rwandais Paul Kagamé à Paris, au sujet d’une « initiative » régionale pour sortir la RDC de la crise politique, les rapports entre Kinshasa et Luanda sont devenus compliqués, voire tendus. Même si devant les caméras et à travers des communiqués officiels, les deux capitales essayent de jouer aux bons amis d’antan.

Mécontentements au sein de l’armée

À Kinshasa, le dernier défilé militaire d’envergure s’était déroulé en 2014. Depuis, le président Kabila a préféré célébrer l’indépendance à travers différentes villes du pays. Quatre ans plus tard, tout était en place pour organiser une importante procession militaire. Les répétitions se déroulaient déjà sur « la piste de l’aérodrome de Ndolo », indique M.Wondo.

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Pourquoi l’armée a-t-elle tout annulé ? Aucune explication officielle n’a été donnée. Le programme a été finalement « allégé », se contente d’avancer le général major Gabriel Amisi, priant au chargé de logistique de l’événement de retourner à la Maison militaire du chef de l’État « les quantités de gasoil et d’essence jugées excédentaires ».

Mais une source au sein de l’état-major de l’armée, consultée par Jeune Afrique, indique qu’il s’est tenu ces dernières semaines plusieurs réunions de sécurité à Kinshasa. Pour cause : « Des militaires de la Garde républicaine, issus des ethnies du Sud Katanga, comme l’opposant Moïse Katumbi, manifesteraient de plus en plus leur mécontentement face au traitement réservé à ce dernier par le régime en place », confie notre source. « C’est très probablement après évaluation des risques d’un éventuel soulèvement d’une unité de l’armée que le défilé a été annulé », croit-elle savoir.

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« L’attentat contre le président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa et l’attaque à la grenade contre une réunion publique du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmedlele, perpétrés le même samedi 23 juin, n’ont pas non plus rassuré le cercle sécuritaire restreint de Joseph Kabila », souligne de son côté  M. Jean-Jacques Wondo. « Mais cette annulation peut aussi s’inscrire dans une logique de désescalade avec les pays voisins », relève l’expert des questions de défense.

« La RDC ne se prépare pas à la guerre »

Contacté, Henri Mova Sakanyi, vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur et de la Sécurité, assure qu’« il n’en est rien » : « La RDC ne se prépare pas à faire la guerre contre ses voisins. Nous continuons à entretenir de bons rapports avec au moins sept des neuf États qui nous entourent. »

« Et ce n’est pas avec un défilé militaire qu’une armée fait sa démonstration de force. Quand on veut dissuader, on entreprend des manoeuvres militaires », poursuit Mova Sakanyi.

Pour lui, l’option d’un défilé militaire grandiose n’avait pas encore été levée. « Les militaires s’y étaient préparés par anticipation »,  soutient le ministre. À son niveau, conclut-il, il avait d’ailleurs déjà envoyé, « il y a une dizaine de jours », des messages aux gouverneurs de province pour qu’ils organisent des messes à la place des célébrations habituelles du 30 juin.

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