Concessions en cascade

Pour financer les grands travaux portuaires – construction de quais, aménagement de terminaux à conteneurs, extension des infrastructures -, les privatisations et les appels d’offres s’enchaînent.

Publié le 30 juillet 2007 Lecture : 3 minutes.

Sénégal, Nigeria, Ghana, Côte d’Ivoire, Cameroun quel pays n’a pas son plan d’extension portuaire ? Ces dernières années, les ports de l’Afrique atlantique rivalisent d’ambition pour accroître leurs capacités et améliorer leurs infrastructures. Il s’agit d’accueillir des navires toujours plus gros et d’absorber un trafic conteneurisé en forte croissance. Mais, pour lancer ces grands travaux, il faut séduire des investisseurs privés. Privatisations, mises en concession ou BOT (Build, Operate & Transfer) leur sont donc proposés, au travers d’appels d’offres internationaux, ou de gré à gré. Cette évolution est encore plus notable en Afrique anglophone, historiquement beaucoup plus proche du modèle de port gestionnaire.
Les enjeux sont colossaux, tout comme les sommes à investir, et bien souvent les privatisations ou les concessions font des vagues. Depuis juin, le Port autonome de Dakar (PAD) est sous les feux médiatiques. L’appel d’offres sur la concession du terminal à conteneurs remporté par Dubai Ports World (DPW) fait des remous. Le marché a échappé au groupement Bolloré/CMA-CGM/Terminals Link, et les salariés sont inquiets pour leur emploi. La société publique émiratie s’est également engagée pour la seconde phase du projet, qui concerne le nouveau terminal à conteneurs baptisé « le port du futur », dont la capacité potentielle atteindra 1,5 million d’EVP. Ce terminal, opérationnel début 2011, représentera un investissement de plus de 400 millions d’euros.

De son côté, le Port autonome d’Abidjan (PAA), qui tient à renforcer sa position de port d’éclatement, relance le projet d’aménagement de l’île de Boulay. La construction d’un nouveau terminal à conteneurs en BOT a été confiée au promoteur Pierre Fakhouri, l’architecte de la basilique de Yamoussoukro. Il faudra attendre 2012 pour voir la livraison des premières infrastructures. En attendant, le PAA doit compter sur le terminal à conteneurs de Vridi, dont la concession a été accordée à Bolloré en 2003, à travers sa filiale SETV, pour un coût de 5,5 milliards de F CFA (environ 8,4 millions d’euros) et une promesse d’investissement de 23 milliards de F CFA. À l’époque, la procédure de gré à gré avait suscité une vive controverse en Côte d’Ivoire.
En Afrique centrale, Douala, le principal port d’accès à la Centrafrique, au Tchad et au Nord-Congo, s’est lui aussi engagé dans la voie de la modernisation. D’abord, au travers d’une réforme, plus que nécessaire, entamée en 1997 et appuyée par les bailleurs de fonds (Banque mondiale, Union européenne, Agence française de développement). La gestion du terminal à conteneurs a été confiée au consortium Bolloré/Maerks. Ce contrat de gré à gré, jugé peu transparent, a fait couler beaucoup d’encre.
Si la concurrence est moins rude en Afrique centrale, les ports d’Abidjan, Dakar, Tema mais aussi Lomé, se livrent une véritable bataille pour capter le fret destiné à l’hinterland (Mali, Burkina, Niger). Ainsi, Gordon Amin, directeur du Port de Tema, ne cache pas ses ambitions : « Pour devenir la porte d’accès de l’Afrique occidentale, le Port de Tema s’est engagé dans un certain nombre de projets de développement, tels que l’approfondissement des postes d’amarrage, l’extension du quai, l’acquisition de portiques à conteneurs. » En mars 2007, après trois ans de travaux et un investissement de 15,5 millions de dollars, le nouveau terminal à conteneurs, le Golden Jubilee Terminal du Port de Tema, a été livré. Avec une capacité de 120 à 170 conteneurs/jour, il doit permettre de décongestionner le trafic. Meridian Port Services (MPS), un joint-venture entre les autorités portuaires du Ghana (30 %) et un consortium Meridian Port Holdings (70 %) composé du groupe Bolloré et APM Terminals en a obtenu la concession en BOT. D’autres projets d’extension germent et une étude de faisabilité a été lancée pour un nouveau terminal, avec l’aide de Japonais.

la suite après cette publicité

Le Port autonome de Lomé (Pal) n’est pas en reste et se porte « plutôt bien » selon son directeur commercial Kwamé Wili Nene, avec un trafic qui est passé de 3,9 millions de tonnes en 2002 à 5,3 millions en 2006. Ce dynamisme est en partie attribuable à la privatisation, en 2002, des opérations de manutention concédées à la société Progosa au travers de ses deux filiales SE2M et SE3M. La première opère dans la manutention des conteneurs et la seconde dans la branche conventionnelle. Pour faire face à l’augmentation du trafic conteneurs, passé de 57 000 en 2002 à 166 000 en 2006, SE2M et son partenaire CMA-CGM ont investi, début 2007, 3 millions d’euros chacun dans l’achat de deux grues. D’autres opportunités, comme la construction d’un troisième quai, intéressent les deux sociétés. « Le dossier n’est pas encore finalisé avec les autorités togolaises », rappelle un responsable de SE2M. D’après lui, les investissements pourraient avoisiner les 100 millions d’euros.
Mais dans cette course au statut de port d’éclatement régional, les investissements se comptent en millions d’euros, et certains grands opérateurs privés pourraient perdre quelques plumes si la rentabilité n’était pas au rendez-vous.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires