Maroc : les rites soufis d’Afrique à l’unisson au festival des musiques sacrées de Fès
Lors de la 24e édition du festival des musiques sacrées de Fès, les chants religieux soufis du Sénégal, de Haute-Égypte et du Maroc ont magnifié la place Bab Al Makina, jeudi 28 juin.
Trois groupes soufis ont investi la scène de l’impressionnante fortification de Fès, Bab Al Makina, le jeudi 28 juin, lors du festival 2018 des musiques sacrées de Fès. Le groupe sénégalais Nourou Salam, de la confrérie des Khadres, les ensembles de Cheikh Hamid Hossein Ahmad et Cheikh Ghanan venus de Louxor ainsi que l’ensemble Sama’ de Fès ont conjugué leurs traditions avec harmonie, accompagnés d’effets visuels évoquant notamment l’Égypte antique.
Les savoirs ancestraux, thème de l’édition de cette année, ont fusionné pour une prestation unique, et un renouvellement des rites soufis de chaque pays. Tous chantent l’amour mystique et l’abandon du corps.
Le dhikr au cœur du chant soufi
Les trois ensembles soufis ont évoqué le nom d’Allah- dhikr, littéralement le souvenir – pendant près de deux heures. Un rituel qui diffère d’une tradition à l’autre. « J’écris mes propres textes, grâce à l’inspiration divine », explique Ramadan, le chanteur de l’ensemble égyptien composé de 11 musiciens et danseurs venus à Fès pour la seconde fois.
Le chanteur Ramadan est un autodidacte. Accompagné sur scène par des musiciens – flûte et percussions – ainsi que des danseurs, le chant égyptien donne la sensation d’une grande spontanéité. Les corps des quatre danseurs, habillés de longues tuniques amples, se balancent au gré du rythme du chant, et scandent de leurs souffles le nom d’Allah.
Si les Égyptiens et les Fassis répètent les 99 noms d’Allah, le groupe sénégalais Nourou Salam – lumière de la paix – a une tradition bien spécifique. Cheikh Papa Sow Djimbira, présent pour la première fois à Fès, répète uniquement la chahada (« La Ilaha IllAllah ») – l’un des cinq piliers de l’islam, en accord avec la notion d’extrême humilité au cœur des rites khadres.
« L’homme est pareil au cheval, au mouton, ou au moustique », assure Cheikh Papa. Sa voix a résonné très haut contre les remparts de Bab Al Makina, accompagnée du rythme hypnotique des tabalas, puis rejointe par les danses et les percussions égyptiennes. Un impressionnant final où le dhikr s’est coloré des sonorités marocaines, sénégalaises et égyptiennes à l’unisson.
Entretenir un héritage millénaire et familial
Les héritages soufis sont mis à l’honneur chaque année lors du festival des musiques sacrées de Fès, car la ville concentre des hauts lieux du soufisme en Afrique, comme le mausolée de Sidi Ahmed Tijani, où des pèlerins des confréries tidianes venus notamment d’Afrique de l’Ouest se rassemblent.
« Notre musique est issue d’une tradition millénaire, que nos parents et nos grands-parents ont entretenu avant nous », expliquent les musiciens venus de Louxor. Des traditions qu’ils font perdurer en chantant lors de mariages et de cérémonies religieuses dans des petites villages d’Égypte, et qu’ils font découvrir lors de festivals ou de concerts à l’étranger.
Au Sénégal également, les traditions khadres sont chargées d’histoire. Les adeptes de cette confrérie vont en pèlerinage à Nimzatt, en Mauritanie, pour rendre hommage au fondateur mauritanien Cheikh Saadbou Abih. « Mon grand-père maternel était déjà cheikh. Il avait apporté son tabala de Mauritanie, lors de son pèlerinage », confie Cheikh Papa Sow Djimbira.
Pour faire perdurer et se rencontrer les héritages soufis du monde entier, Cheikh Papa Sow Djimbira a créé le festival international du Zikr, à Dakar. « Les gens veulent revenir aux sources et écoutent de plus en plus les chants religieux. Les autorités religieuses commencent à le comprendre », explique-t-il. Et pour attirer les jeunes et remettre au goût du jour ces rites, Nourou Salam n’hésite pas à sortir des clips vidéos. Cheikh Papa Sow espère voir les décideurs « appuyer et protéger les chants religieux » et faire de son festival l’équivalent de celui de Fès.
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