Richbond, ou l’art de vivre à la marocaine

Né il y a quarante ans, le fabricant casablancais vend aujourd’hui ses salons jusqu’en Europe. Récit d’une success story chérifienne.

Publié le 30 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

«Démocratiser l’art de vivre à la marocaine » : telle pourrait être la devise du fabricant de meubles casablancais Richbond qui, l’an prochain, soufflera sa quarantième bougie. Quatre décennies au cours desquelles la société a évolué de simple usine de confection de mousse polyuréthane en géant du mobilier traditionnel. À l’origine de cette success story chérifienne – la société affiche aujourd’hui un chiffre d’affaires annuel de 500 millions de dirhams (près de 46 millions d’euros) – une idée, aussi simple que géniale : mettre à la portée de (presque) toutes les bourses marocaines l’acquisition d’un salon traditionnel, jusque-là réservé aux classes supérieures. Pour ce faire, Abdelaziz Tazi, le fondateur et toujours président du groupe, décide de remplacer la laine – une matière première inabordable pour la majorité de la population et qui, jusque-là, garnissait les matelas des salons marocains – par un produit de substitution pratique, résistant et surtout bien moins cher : la mousse polyuréthane. Le succès est immédiat : dopés par la baisse de leur prix, les matelas pour salons Richbond se vendent comme des petits pains. À tel point que la société casablancaise a parfois du mal à satisfaire la demande.
En 1976, la balance commerciale chérifienne est au plus mal. Rabat instaure des taxes draconiennes sur les produits d’importation. C’est un coup dur pour les entreprises marocaines qui, comme Richbond, achètent une partie de leurs produits (dans ce cas, les tissus qui recouvrent les matelas) à l’étranger. La famille Tazi opte alors pour une nouvelle stratégie commerciale : désormais, l’heure est à l’intégration. Afin de mieux maîtriser ses coûts de production, la société étend sa gamme d’activités au tissage et à la filature puis, au début des années quatre-vingt-dix, à la menuiserie.
L’année 1995 marque un tournant majeur pour la société. Karim Tazi – le fils d’Abdelaziz – constate que de nombreux Marocains installés en France ramènent, au gré de leurs voyages, des salons de leur pays d’origine. Pourquoi, se demande-t-il alors, Richbond ne franchirait-elle pas la Méditerranée pour prendre pied en Europe ? Un nouveau concept de boutique naît avec l’ouverture d’un premier magasin d’usine à Argenteuil, en région parisienne. L’initiative porte rapidement ses fruits : les meubles et décorations attirent les communautés marocaine, mais aussi algérienne et tunisienne – ces deux dernières représentent un tiers des clients. Surfant sur la vague de l’« ethnique », l’offre Richbond séduit également une clientèle française à la recherche de meubles et de décoration « exotiques » de qualité. Dans la foulée, huit nouvelles boutiques voient le jour : celles de Paris, de Marseille et de Bruxelles sont des unités de gestion, les autres (Lyon, Bordeaux, Rotterdam, Genève et Montréal) des magasins franchisés. Dans tous ses points de vente, la société joue la carte de l’« art de vivre » à la marocaine. Chacune des boutiques présente des salons « prêt-à-vivre » : les magasins abritent des alcôves décorées de zelliges, de céramiques traditionnelles et de bois sculptés importés du Maroc. La décoration est complétée par des pièces d’artisanat provenant des villes chérifiennes les plus réputées, telles que Salé, Fès, Safi pour la poterie ou Essaouira pour le bois.
Aujourd’hui, Richbond réalise 5 % de son chiffre d’affaires grâce à ses boutiques implantées à l’étranger. Au Maroc, où les ventes de la société reposent toujours sur un réseau de quelque trois cent cinquante points de vente de petite taille, Richbond envisage l’implantation de magasins « prêt-à-vivre » semblables à ceux d’Europe et du Canada. Mais c’est vers l’Algérie que lorgne la société casablancaise. Un marché pour l’instant difficile d’accès pour les entreprises chérifiennes. Mais Karim Tazi ne désespère pas : « Le marché commun maghrébin deviendra bien, tôt ou tard, une réalité et ce jour-là, nous serons là… »

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